Lomé,
04 mars 2003: Bien que le Togo soit partie à divers traités
et mécanismes internationaux visant la promotion et la protection
des droits humains, la situation des droits de lHomme dans le
pays est très peu reluisante. Les citoyens font constamment
lobjet darrestations arbitraires et de détentions
illégales ; les libertés dexpression, dassociation,
de réunion sont confisquées par le pouvoir; le judiciaire
reste inféodé à lexécutif et instrumentalisé
aux ordres du chef de lEtat qui sen sert pour régler
des comptes à ses opposants politiques et les réduire
au silence. Les agents de lEtat, notamment les forces de sécurité
( gendarmes, policiers, militaires
) continuent par recourir
en toute impunité à la pratique de la torture et à
se livrer dans lexercice de leurs fonctions, aux abus de tout
genre portant atteinte à lintégrité physique
et morale des individus.
I- Libertés dexpression /
Confiscation des médias publics par le pouvoir
Au Togo, le pouvoir par ses manuvres dintimidation
a muselé une population qui par peur de représailles
nose pas se prononcer publiquement sur des questions politiques
par crainte de sattirer des ennuis. Même les journalistes
qui ont pour vocation dinformer le peuple et de faire des
analyses critiques sur la vie de la nation, font lobjet, dans
lexercice de leur fonction de fréquentes intimidations,
de harcèlements et des arrestations. Pour les réduire
au silence, des mesures drastiques sont prises par le gouvernement.
Entre autres au nombre de celles-ci, nous pouvons faire référence
au nouveau code de la presse adopté le 03 septembre 2002
par lAssemblée Nationale. Ce code prévoit entre
autres, laggravation des peines pour délits de presse
telle que la condamnation sans sursis ; la saisie des exemplaires
de journaux sur ordre du Ministre de lIntérieur et
de la Sécurité. Il faut souligner que ce Code entre
en contradiction avec les valeurs cardinales de la liberté
dexpression et de presse contenues dans les articles 25 et
26 de la loi fondamentale du Togo et qui régissent le droit
des individus à la liberté de pensée, de conscience,
de religion, de culte, dopinion, dexpression et de presse.
Les journaux privés proches de lopposition sont abusivement
saisis, parfois même avant quils ne soient mis en vente.
Dans ce registre on peut citer le cas des numéros 199, 200
et 201 des mois doctobre et novembre 2002 de lhebdomadaire
Motion dinformation saisis sur ordre
du Ministre de lIntérieur et de la Sécurité.
Les numéros 200 et 201 ont été saisis avant
même quils ne soient mis en vente et que les dépôts
légaux aient été effectués auprès
des différentes administrations. Ce nest quà
posteriori que les arrêtés de saisie ne précisant
même pas le motif de la saisie du Ministre de lIntérieur
et de la Sécurité ont été notifiés
au journal.
Les responsables des journaux privés proches de lopposition
font également lobjet de fréquentes poursuites
et arrestations. Le cas le plus récent est celui du Directeur
de publication de lhebdomadaire Le Courrier du
Citoyen, Monsieur Sylvestre Djahlin NICOUE arrêté
le 26 décembre 2002 à cause dun article intitulé
Initiative Citoyenne de lAn 2003 : Empêcher
Eyadema de gouverner paru dans lédition
N°16 du 26 décembre 2002 de son journal alors quil
sortait dun entretien avec le Président de la Haute
Autorité de lAudiovisuel et de la Communication (HAAC),
un organe censé veiller au respect de la déontologie
en matière dinformation, de communication ; garantir
et assurer la liberté et la protection de la presse et des
autres moyens de communication de masse. En effet, suite à
la publication de cet article, le ministère de lIntérieur
et de la Sécurité avait saisi les responsables de
la HAAC. Ces derniers ont alors invité Monsieur Nicoué
pour un entretien au cours duquel il a été convié
à faire preuve de modération dans ses articles. Aussitôt
sorti de lenceinte de la HAAC après cet entretien,
les forces de sécurité en tenue civile lont
apostrophé et embarqué pour la Direction de la Police
Judiciaire.
Les média dEtat sont confisqués par le pouvoir
qui lutilise abusivement à des fins politiques et qui
avec le silence complice de la HAAC censée pourtant
veiller à laccès équitable des partis
politiques et des associations aux moyens officiels dinformation
et de communication en empêche laccès
aux partis dopposition et des organisations de la société
civile étiquetées comme faisant partie de lopposition.
Lorsquon parle de lopposition sur les média publics,
cest pour se livrer à des actes de diffamation à
leur encontre visant à saper leur image aux yeux de la population.
Des citoyens en quête de ressources financières, se
disant transfuges des partis dopposition, lisent quotidiennement
des déclarations largement diffusées sur les
médias publics diffamant les chefs des partis dopposition
avec qui ils disent avoir planifié dans des passés
récents, des complots ou manifestations visant à troubler
lordre public ou à déstabiliser le régime
en place. Certains de ces citoyens nhésitent pas à
revendiquer publiquement, dans leur déclaration, la paternité
de certains assassinats de leurs concitoyens ou dautres actes
crapuleux qui ont été commis dans le passé,
et fait surprenant dans un Etat qui se dit de droit, ils ne font
lobjet daucune poursuite.
Au-delà du musellement des populations et de la confiscation
des médias, le pouvoir sévertue depuis quelques
temps à couper aux populations, les sources dinformation
extérieures. A titre dexemples les émissions
de RFI en modulation de fréquence au Togo sont brouillées
suite à une interview que lancien Premier Ministre
aujourdhui en exile, Messan Agbéyomé KODJO a
bien voulu accorder à cette chaîne internationale;
des sites internet accusés de diffuser des messages subversifs
sont également censurés, dans ce registre on peut
citer : www.letogolais.com, www.diastode.org, www.togoforum.com.
Entre temps en février et mars 2002, respectivement les
radios, « Radio Victoire » et « La voix de lOti
» ont été fermées.
II- Libertés dassociation
et de réunion
Au Togo, le Ministre de lintérieur évoque léternelle
raison de « troubles à lordre public »
pour interdire systématiquement toute manifestation des partis
dopposition, syndicats et associations alors quau même
moment des groupes de citoyens à la recherche de largent
organisent à loisir des marches de soutien à la politique
du chef de lEtat. Lorsque les organisations ou partis dopposition
osent passer outre linjonction du Ministre dinterdire
une manifestation, les forces de sécurité prennent
dassaut plusieurs heures avant le début de la
manifestation le lieu du rassemblement et ses alentours immédiats.
Ils passent alors systématiquement à tabac tous ceux
qui se présentent sur le lieu de la manifestation ou dans
ses alentours immédiats. Il est également fait usage
des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Il
sensuit souvent des arrestations aussi bien dans les rangs
des organisateurs que parmi les manifestants. Le samedi 09 novembre
2002, une marche de protestation organisée par la Coalition
des Forces Démocratiques (CFD) une coalition des partis
politiques dopposition pour protester contre les législatives
anticipées du 27 octobre 2002 organisées dans
les circonstances que lon connaît par le pouvoir en
place a été, pour une banale affaire de discordance
sur litinéraire, violemment réprimée
par les forces de sécurité. On a dénombré
une dizaine de blessés, un dentre eux a même
succombé à ses blessures quelques jours plus tard.
Le 25 janvier 2003, les autorités ont interdit la tenue
dune journée de prière pour la paix au Togo
que le Comité dAction pour le Renouveau (CAR) voulait
organiser au foyer Pie XII à Lomé. Tôt dans
la matinée, les forces de lordre ont investi les lieux
et en ont empêché laccès aux militants
et fidèles venus à la prière. Ces derniers
sur instructions des organisateurs se sont transportés au
siège du CAR où la journée de prière
a pu finalement se tenir.
En général lopposition togolaise éprouve
dénormes difficultés à mener des actions
sur le terrain au Togo à cause des mesures restrictives drastiques
prises par le pouvoir en place pour interdire systématiquement
leurs manifestations. Certaines zones de la région septentrionale
du pays telle que la région de la Kara, sont pratiquement
interdites daccès à lopposition à
cause de la présence du Lieutenant-Colonel Ernest Gnassingbé
un des fils du Président de la République,
commandant de la garnison de la ville de Kara, le Camp Landja
qui sarroge à lui seul toutes les prérogatives
et fait la loi dans cette région.
III- Arrestations arbitraires et détentions
illégales
Dans le but dintimider la population et de réduire
au silence les militants qui convaincus que loppression
se nourrit du silence des opprimés osent encore élever
leur voix, le pouvoir nhésite pas à avoir recours
à des raisons toutes aussi fallacieuses les unes que les
autres pour procéder à des arrestations au sein des
militants et responsables des partis dopposition, des organisations
de la société civile, des journalistes. La raison
la plus évoquée est celle de la distribution des tracts
qui dit-on sont subversifs ou de la diffusion des
informations appelant au trouble de lordre public. Certains
de ses tracts sont imaginaires et ne servent que de prétexte
pour larrestation des personnes qui dans leur souci dinformer
lopinion publique de leur localité sur les dérives
du pouvoir deviennent très vite des adversaires politiques
quil faut faire taire. Ces arrestations sont souvent opérées
en toute illégalité, à nimporte quel
moment de la journée, même à des heures non
autorisées par la loi et sans la présentation préalable
dun mandat darrêt. Nombreux sont les citoyens
togolais arbitrairement arrêtés qui croupissent dans
les geôles togolaises et dans les centres de détention
des commissariats et brigades de gendarmerie.
- Accusés davoir distribué des tracts subversifs
qui ne sont en réalité que le programme des manifestations
commémoratives des 10 ans de lassassinat de Tavio Amorin,
le Premier Secrétaire National du Parti Socialiste Panafricain
(PSP), deux enseignants Djaoura Tiguéna et Takana Badjessa,
membres du mouvement « Quelle solution pour le Togo »
ont été arrêtés le 23 juillet 2002 et
condamnés le 19 août 2002 à 12 mois demprisonnement
dont 10 avec sursis. Ils sont écroués à la
prison civile de Kara.
- El Hadj Arouna Sarakata, Président du bureau fédéral
du PDR-Assoli (Bafilo), un parti dopposition, Ali-Mandjaye
et Ouro Salim Séidou respectivement Secrétaire et
Trésorier du même bureau et certains de leurs compagnons
sont arrêtés depuis le 17 juillet 2002 et incarcérés
à la prison civile de Kara sans que leur inculpation leur
soit notifiée.
- Pour une affaire de tracts subversifs appelant larmée
à la révolte, deux membres du parti dopposition,
le Comité dAction pour le Renouveau (CAR), Alabi Safiou
et Joseph Avigan ont été arrêtés en fin
septembre 2002 et incarcérés respectivement à
la prison civile de Sokodé et celle de Lomé.
- Accusés de « trouble à lordre public
» pour avoir relayé dans son journal un article sur
la fortune présumée du « clan Gnassingbé
»diffusé sur internet, Julien Ahyi et Claude Ameganvi
accusé à tort dêtre lauteur dudit
article puisque Eloi Koussawo, Coordonnateur du MO5, aujourdhui
a dans une lettre signée adressée au tribunal revendiqué
la paternité de larticle ont été
jugés et condamnés à 4 mois demprisonnement
et au versement dune amende de 100.000FCFA.
Au cours de la période de la tenue des législatives
anticipées du 27 octobre 2002 boycottées par lopposition,
le pouvoir sest livré comme il est généralement
de coutume dans ces circonstances à une vague darrestations
dans les rangs de lopposition :
- Le 02 octobre 2002, trois jeunes militants du CAR (Comité
dAction pour le Renouveau), Messieurs Koffi TAFLA, Koffi TOGAN
et Yao TSISSEGLO ont été arrêtés à
Dalavé dans la préfecture de Zio pour avoir refusé
de prendre leurs cartes délecteur qui leur ont été
apportées à domicile. Ils ont été libérés
le 29 octobre 2002.
- Le 22 octobre 2002, la gendarmerie de Tohoun dans la préfecture
du Moyen-Mono, a procédé à linterpellation
de Messieurs François BOUA, membre du bureau fédéral
de lUnion des Forces du Changement (UFC) du Moyen-Mono, et
Nsugan DEGBE, membre du bureau fédéral de la
Convergence Patriotique Panafricaine (CPP).
- Le 25 octobre 2002, Monsieur Komi AKPEMODE, militant du CAR a
été arrêté à Tohoun.
- Le 22 octobre 2002, à Notsè, la gendarmerie locale
a procédé à larrestation de Monsieur
Pierre GAOU, Président de la fédération UFC
Haho, il a été libéré 3 jours après
son arrestation.
- Le 23 octobre 2002, un jour après larrestation de
Monsieur Gaou, la gendarmerie de Notsé a également
procédé à linterpellation du Secrétaire
de lUFC Haho, Monsieur Amouzoukpé TOMEKPE. Le 28 octobre
2002 il a été déféré à
la prison civile de Notsé. Monsieur Tomékpé
qui souffre dune hernie serait sérieusement malade.
Dans le courant de la même semaine et dans la même localité,
il a été procédé à linterpellation
de Messieurs Afanvi et Agossou, membres de la Convention Démocratique
des Peuples Africains (CDPA).
- Le 24 octobre 2002, la gendarmerie a procédé à
linterpellation de Monsieur Emile Tchemédji AGBOMADJI,
membre de lUFC à Agbélouvé dans la préfecture
de Zio. Il avait curieusement disparu de la gendarmerie de Tsévié
depuis le 26 octobre et sa présence à la prison civile
de Tsévié na pas été non plus
constatée.
- Le 26 octobre 2002, les forces de lordre ont appréhendé
à Tchamba, Monsieur Kossi AKAWE, militant de lopposition.
Il a été déféré à la prison
civile de Sokodé.
- Monsieur Modeste FOLLY, militant de la CDPA de la préfecture
des Lacs arrête au cours de la même période par
les forces de lordre a été libéré
après quelques jours de détention mais sa moto lui
a été confisquée par les forces de lordre.
Comme vous pouvez le constater, certaines des personnes arrêtées
ont été déjà relâchées,
dautres peuvent lêtre au moment où ce briefing
vous parviendra mais, nous pensons quil savère
nécessaire de porter à votre connaissance ces genres
darrestations afin que vous nous aidiez à suivre de
près le cas des personnes encore détenues et à
uvrer pour leur libération ou la tenue de leur procès
sil y a lieu. Cette assistance est dautant plus nécessaire
que la nature répressive du régime togolais ne facilite
par les actions des ONGs locales, notamment celles relatives entre
autres au suivi des cas des personnes interpellées dans le
cadre de leur activité politique ou syndicale.
La liste des arrestations arbitraires opérées au
sein de la population et des détentions illégales
est longue et nous ne pourrons les énumérer toutes
dans le cadre de ce briefing. Il faut également souligner
que nombreux sont les citoyens qui croupissent au noir et pendant
de longues durées dans des lieux de détention (camps
militaires, camps gendarmeries
) inaccessibles au public et
aux ONGs.
Au Togo, le délai de garde-à-vue qui est de 48 heures
nest que très peu respecté. Une personne peut
être gardée de longs jours voire des années
au cachot de la gendarmerie nationale sans se voir notifier les
raisons de son inculpation. A titre dexemple, on peut citer
le cas de Monsieur Alex Looky ex-Directeur de lUnion Togolaise
de Banque (UTB), ex-Président de la Chambre du Commerce et
de lIndustrie du Togo. Incarcéré depuis octobre
2000 à la gendarmerie nationale à Lomé, il
a été libéré le 29 novembre 2002 à
la suite dune grâce qui lui a été accordée
par le chef de lEtat et ceci après un peu plus de deux
ans de détention sans que sa culpabilité ait été
réellement établie.
IV- Conditions carcérales et recours
à la torture
Lors des différentes arrestations et pendant les détentions,
les personnes arrêtées font systématiquement
lobjet dactes de torture opérés sous toutes
les formes (physiques, psychologiques) par les agents de sécurité
dont lingéniosité en la matière nest
plus à démontrer. Les corps de larmée
les plus célèbres dans le recours à ces actes
de torture sont les gendarmes de la brigade de laéroport,
ceux de la brigade antigang et ceux des Services de Recherches et
dInvestigation qui opèrent généralement
en tenue civile et commettent impunément toutes formes dexactions
sur les populations. Ces actes de torture sont généralement
commis au moment des interpellations et pendant les garde-à-vue
dans des centres de détention des commissariats de police
et des gendarmeries qui restent inaccessibles au public et aux ONGs,
ce qui limite du coup les actions que celles-ci peuvent mener pour
porter assistance aux victimes.
Les conditions de détention dans les milieux de détention
et carcéraux du pays sont précaires et très
préoccupantes. Les détenus nont pas accès
aux soins de santé, le repas non varié, de ration
insuffisante, leur est servi une fois par jour entre 11h-12h. On
note une surpopulation de la population carcérale et au sein
dune même cellule, cohabitent mineurs et majeurs, présumés
et condamnés. Les procédures judiciaires sont lentes
et les prisonniers connaissent ainsi de longues périodes
de détention préventives qui vont jusquà
7 à 8 mois parfois. Dans certains cas, on rencontre des détenus
qui après avoir déjà passé plusieurs
années en détention nont jamais été
conduit devant un juge pour être entendu. On dit même
parfois que leur dossier a disparu.
Les lieux de détention sont insalubres et ne sont pas régulièrement
désinfectés.
Au Togo, il ny a pas de prison pour femmes, dans le meilleur
des cas, elles disposent dun pavillon séparé
dans lenceinte de la prison et sont sous la surveillance des
gardiens de sexe masculin. Le pays compte une seule brigade pour
mineur et celle-ci se trouve à Lomé, la capitale.
V- Impunité et instrumentalisation
de la justice
Au Togo, la justice est instrumentalisée et inféodée
au pouvoir exécutif. Mieux, elle est aux ordres du chef de
lEtat qui a toujours maintenu son autorité sur elle
et nentend nullement se défaire de celle-ci. Même
lancien Premier Ministre Agbéyomé Kodjo a eu
à le souligner dans le document intitulé « il
est temps despérer » quil a publié
quelques jours après sa démission. Même la Cour
Constitutionnelle chargée de connaître la constitutionnalité
des lois est régulièrement détournée
de sa noble mission à des fins politiques par le pouvoir
en place. Ce dernier se sert de la justice pour intimider et régler
des comptes à ses opposants (cas de Me Agboyibo, leader du
CAR, du journaliste Messan Lucien, de Claude Ameganvi, responsable
du Parti des travailleurs pour ne citer que ceux-là
qui ont été condamnés à la suite
de procès iniques et rocambolesques). Toutes les plaintes
déposées contre les membres ou les proches du pouvoir
sont généralement classées sans suite, soit
parce quaucun juge nose se saisir de laffaire,
soit parce quil est demandé au juge de fixer une caution
dont on sait que le plaignant ne pourra se libérer en raison
de son montant trop élevé. Par contre, toutes les
plaintes déposées par des membres ou proches du pouvoir
sont immédiatement instruites, même lorsque parfois
le montant généralement insignifiant de la caution
nest pas payé.
Le gouvernement en ne se souciant jamais de mener des enquêtes
efficaces, indépendantes et impartiales afin de traduire
en justice les auteurs présumés des exactions et abus,
cultive limpunité et encourage la répétition
de ces forfaitures. Quasiment toutes les violations des droits humains
commises au Togo, même celles pour lesquelles bien
que ce soit rare des enquêtes ont été
menées et les coupables identifiés, sont restés
impunis jusquà ce jour. A titre dexemple, on
peut évoquer le cas de Edoh Melessoussou, ancien président
de lUnion nationale des Etudiants et Stagiaires du Togo (UNESTO).
En 1997 lors dun mouvement de grève détudiants
pour la revendication des bourses et des conditions favorables détudes,
les forces de lordre ont fait irruption sur le campus et passés
à tabac des étudiants ; le Président de lUnesto
a été jeté depuis la fenêtre de sa chambre
au premier étage en résidence universitaire. Sa colonne
vertébrale est brisée, il est paralysé à
vie. A ce jour il na jamais bénéficié
daucune réparation. Les auteurs de cette forfaiture
qui pouvaient être facilement connus si une enquête
avait été diligentée nont jamais été
inquiétés.
VI- Conclusions et recommandations
Comme on peut le constater à la lecture de ce briefing,
en dépit des dispositions au niveau interne et des traités
internationaux auxquels le Togo est partie et visant la promotion
et la protection des droits humains, la situation des droits de
lhomme dans le pays est très préoccupante. Le
respect des droits fondamentaux des citoyens reste très aléatoire,
et on a limpression que chaque jour un peu plus, les violations
des droits humains sont beaucoup plus régulièrement
commises avec en toile de fond, les arrestations et détentions
arbitraires, le recours à la torture et aux traitements cruels,
inhumains ou dégradants
Afin de redresser cette situation et de permettre aux citoyens
de jouir pleinement de leurs droits, des mesures impliquant aussi
bien les gouvernants que la société civile et la population
dans son ensemble, doivent être prises. Dans ce contexte,
nous invitons les autorités togolaises à :
1) prendre des mesures concrètes en vue de lapplication
effective des traités qui ont été ratifiés
par le Togo. A cette fin, des révisions doivent être
apportées à la législation nationale, notamment
au Code Pénal et au Code des Personnes et de la Famille en
y introduisant des dispositions qui soient conformes aux traités
internationaux auxquels le Togo est partie. Les autorités
publiques sont également invitées à tenir compte
des préoccupations des ONG et de toutes les personnes ressources
impliquées dans la promotion et la protection des droits
des citoyens afin que ces révisions soient réelles
et effectives;
2) ratifier le deuxième protocole facultatif au pacte relatif
aux droits civils et politiques et prendre au niveau interne des
mesures visant à labolition de la peine de mort ;
3) prendre des mesures visant à garantir les libertés
dexpression, de pensée, dassociation et de réunion
reconnus à tous les citoyens sans distinction et proclamées
par la Constitution togolaise ;
4) garantir laccès équitable aux médias
publics de tous les partis politiques et linterdiction de
diffusion des déclarations diffamatoires aussi bien sur les
médias publics que privés ;
5) assurer dans la pratique lindépendance de la justice
;
6) organiser, conjointement avec les ONG et les OIG, des formations
spécifiques et régulières sur la torture et
les traitements cruels, inhumains ou dégradants à
lintention des agents de sécurité (policiers,
gendarmes, militaires, gardiens de prisons
), du personnel
de ladministration judiciaire (juges, procureurs
), des
responsables au niveau communautaire (chef traditionnel, préfets
),
en vue de contribuer au respect du droit à la vie et à
lintégrité physique et mentale des citoyens.
Les citoyens dans leur ensemble doivent être régulièrement
sensibilisés sur le scandale de la torture et des traitements
cruels et inhumains, sur linterdiction dy recourir et
sur la nécessité de dénoncer de tels actes
;
7) mener des enquêtes impartiales sur les cas de torture
et de traitements inhumains et de toutes les violations des droits
humains portés à leur connaissance afin de déterminer
les auteurs et de les punir conformément à la loi,
ceci permettrait de mettre fin au climat de limpunité
;
8) prendre des mesures appropriées visant labolition
de certaines pratiques traditionnelles portant atteinte à
lintégrité physique et mentale des populations,
dans la mesure où celles-ci se perpétuent, en particulier
à lencontre des femmes et des enfants ;
9) veiller à ce que le délai de garde-à-vue,
qui est de 48 heures, soit respecté, et que pendant cette
période, les personnes arrêtées ne subissent
aucun traitement inhumain ou dégradant ;
10) améliorer les conditions de détention dans les
maisons darrêt, notamment sur le plan de lalimentation,
de la santé et du traitement des détenus, afin de
les rendre conformes aux Règles minima des Nations unies
pour le traitement des détenus ; veiller à ce que
les prévenus soient séparés des condamnés
et que les procès équitables et justes
se tiennent dans les meilleurs délais afin déviter
les longues périodes de détention préventive
qui vont parfois jusquà 7 ans voire plus
pour les présumés coupables de crime. Pour atteindre
ces objectifs, un groupe de travail composé dexperts
pourrait être mis sur pied afin de faire des visites inopinées
dans les maisons darrêt et de détention et rendre
compte aux instances compétentes. Les ONG dont les activités
sétendent aux milieux carcéraux doivent également
être autorisées à effecteur des visites similaires.
A lintention de la communauté
internationale
La situation sociopolitique togolaise qui na cessé
de se détériorer depuis plus dune décennie
aujourdhui est devenu en cette année 2003 très
préoccupante avec la réécriture le 30 décembre
2003 par le parlement togolais, de la loi fondamentale du Togo notamment,
la modification de son article 59 qui donne lopportunité
au Président Eyadema au terme de son deuxième mandat
cette année den briguer dautres sil en
a la volonté. La nouvelle Constitution réécrite
confère au Président de la République des prérogatives
qui risquent de replonger le pays dans les dérives dun
système politique semblable à ce quil a connu
dans les années 70 et 80.
Eu égard aux enjeux politiques auxquels la population togolaise
est appelée à faire face en cette année 2003
et conscients des dérives dans lesquelles les dispositions
de la Constitution de la IVème République réécrite
pourront engager le Togo, nous appelons la communauté internationale
à user de toute son influence pour créer et garantir
au Togo, les conditions dune alternance pacifique en cette
année 2003 afin dabréger les souffrances de
la population et lui éviter un drame. A cet effet, nous voudrions
que la communauté internationale demande :
- aux autorités togolaises de revenir sur lensemble
des textes adoptés par la classe politique togolaise dans
son ensemble et unilatéralement modifiés par le pouvoir
en place,
- au Président togolais Gnassingbé Eyadema de respecter
lengagement pris en juillet 1999 en marge de lAccord
Cadre de Lomé devant le Président français
Jacques Chirac de quitter le pouvoir en 2003 au terme de
son deuxième mandat conformément à la Constitution
quil avait affirmé dans le temps navoir pas lintention
de modifier,
- aux autorités togolaises de libéraliser dans la
pratique le jeu politique togolais en permettant aux partis politiques
dopposition de tenir leurs manifestations pacifiques, en garantissant
la libre circulation des partis politiques sur toute létendue
du territoire nationale et leur accès équitable aux
média publics.
BIGAH Inyéza Koffigan
Président ACAT-TOGO
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