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Lomé, 3 mai 2002 : Le mois d'avril a été
marqué par des saisies répétées de journaux
privés au Togo où près de 72.000 exemplaires
de sept hebdomadaires -proches de l'opposition - ont été
saisis sur ordre du ministre de l'Intérieur, le général
Sizing Walla. ''Le préjudice total subi est estimé
à 12 millions de francs CFA (environ 18.293 euros)'',
selon Reporters sans frontières (RSF), une organisation non
gouvernementale (ONG) défenseur des droits des journalistes.
''Ce manque à gagner est lourd de conséquences
pour des hebdomadaires au tirage aléatoire (3.000 exemplaires
en moyenne), d! éjà exsangues, soumis à la
rude concurrence de l'opulente presse gouvernementale'', ajoute
RSF dans un récent rapport.
Les exemplaires de l'hebdomadaire ''La Tribune du Peuple''
ont été saisis les 3 et 10 avril, ceux de ''Motion
d'Information'' les 8 et 22 avril. Les parutions des 9 et 16
avril de l'hebdomadaire ''Le Regard'' et celles du ''Combat
du Peuple'' du 22 avril ont subi le même sort. Ces saisies
ont été ordonnées par le ministre de l'Intérieur
et notifiées aux responsables des journaux, mais sans aucune
indication de motifs. Le ministre s'est fondé sur l'article
108 du Code de la presse du Togo qui stipule : ''Le ministre
chargé de l'Intérieur et de la Sécurité
peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police, ordonner, par arrêté,
la saisie des exemplaires de toute publication mise en vente, distribuée
ou exposée au public, dont le contenu constitue des délits(...)''
''La loi du 23 février 2000, taillée sur mesure pour
le général Sizing Walla, a été adoptée
huit mois après sa nomination au ministère de l'Intérieur.
Elle a introduit, pour la première fois, un dispositif de
"sanctions administratives" contre la presse'',
affirme RSF.
''Les journalistes, qui sont chargés de donner des informations
objectives à la population, manquent au respect des règles
déontologiques de la profession, ils incitent le peuple à
la révolte, ils s'attaquent aux institutions de la République.
Le code nous donne ce pouvoir de morigéner la presse et nous
le ferons'', a déclaré Walla à Lomé,
la capitale togolaise.
Selon l'Observatoire togolais des médias (OTM), cet acte
du ministre ''est une entrave à la liberté de la
presse énoncée dans la constitution du Togo de septembre
1992''. L'article 26 de la constitution stipule que ''la liberté
de presse est reconnue et garantie par l'État''. La constitution
précise aussi que ''la presse ne peut être assujettie
à l'autorisation préalable, au cautionnement, à
la censure ou à d'autres! entraves''.
L'OTM, qui est un organe d'autorégulation créé
par les journalistes, ''invite vivement les autorités togolaises
à reconnaître le rôle d'utilité publique
que joue la presse dans un État de droit''.
Elias Hounkali, directeur adjoint du journal ''La Matinée''
- proche du pouvoir- déplore le non-respect de la déontologie
par certains journalistes togolais. ''La saisie des journaux
est un fait déplorable, mais il faut souligner que certains
confrères négligent le code de déontologie''.
Des journalistes de plusieurs pays africains, réunis en séminaire
sur le journalisme d'investigation à Cotonou, au Bénin
voisin, ont exprimé leur préoccupation face à
cette situation que traverse la presse togolaise. Dans une recommandation
spéciale, ils ont demandé au gouvernement togolais
d'uvrer pour l'épanouissement de la presse et de la
liberté d'expression dans le pays. Selon eux, ''la saisie
des journaux constitue une violation des droits économiques,
sociaux et culturels''.
L'Association des éditeurs de la presse privée du
Togo (ATEPP) s'est élevée contre la saisie des journaux
et ''la croisade contre les distributeurs des journaux privés''.
L'ATEPP révèle que les distributeurs de journaux privés
sont persécutés et que les vendeurs à la criée
ont été pourchassés et brutalisés à
Lomé, au cours des opérations de saisie, par des agents
de police. Pour l'ATEPP, ''le gouvernement togolais est décidé
à éliminer la liberté de la presse au Togo''.
''Ces saisies arbitraires sont d'autant plus scandaleuses que
le ministre lui-même a du mal à indiquer les infractions
visées par la loi qu'invoquent ses arrêtés de
saisie'', écrit John Holonou Hounkpati, président
de l'ATEPP.
Le journaliste-historien et politologue togolais, Atsutsè
Kokouvi Agbobli, considère la saisie des journaux comme ''une
démarche qui montre que les autorités sont frileuses''.
''On a l'impression que les pouvoirs publics du Togo ! ne veulent
pas d'une information plurielle dans le pays'', selon Ekoué
Satchivi, journaliste à l'hebdomadaire ''Carrefour''.
"Nous assistons ahuris à la saisie des journaux et
à la fermeture des radios privées, notamment Radio
Victoire fermée en février 2002 et le matériel
confisqué sans raison par le ministre de l'Intérieur,
et Radio La Voix de l'Oti (nord Togo) interdite d'émettre
pour non-paiement des redevances'', regrette-t-il.
Selon les journalistes des hebdomadaires saisis, la plupart des
saisies sont intervenues après la publication d'une lettre
confidentielle d'un responsable du Rassemblement du peuple togolais
(RPT, parti au pouvoir), Dahuku Péré, adressée
aux instances de son parti. Péré, ancien président
de l'Assemblée nationale du Togo, critique les méthodes
et pratiques de ''l'intolérance au sein du parti''.
(lettre disponible sous notre rubrique Dossiers et Opions,
ndlr)
Selon le ministre de l'Intérieur, ni l'auteur ni les destinataires
de la déclaration n'ont demandé aux journaux de publier
la! lettre. ''C'est une atteinte grave à la dignité
et à la conscience des autres et nous ne pouvons pas l'accepter'',
lance Walla.
''Chaque année au Togo, plusieurs milliers d'exemplaires
de journaux privés sont saisis et confisqués ou détruits
par la police'', selon Robert Ménard, secrétaire
général de RSF qui a demandé la réforme
du Code de la presse togolaise. La presse privée togolaise
n'arrive pas à paraître de façon quotidienne.
Les différents hebdomadaires qui existent paraissent dans
des conditions difficiles. L'un des plus anciens et des plus réguliers
hebdomadaires du pays ''Crocodile'' n'est plus en kiosque
depuis plusieurs semaines pour des raisons financières.
Par ailleurs, des journalistes sont souvent menacés ou intimidés
et certains vivent dans la clandestinité.
Le directeur de ''Reporter des Temps nouveaux'', Augustin
Amégah, a été arrêté le 29 avril
alors qu'il rendait visite à sa femme accouchée. Il
a passé quelques heures à la gendarme! rie avant d'être
relâché. Il lui serait reproché d'avoir publié
un ''article dans lequel ont été cités des
officiers des forces de l'ordre''.
Le 17 avril, la Haute autorité de l'audiovisuelle et de la
communication (HAAC), qui est l'institution officielle de régulation
de la presse, a interdit la parution de l'hebdomadaire ''Nouvel
Écho''. Selon la HAAC, le directeur du journal, Klu Névamé
n'avait pas fourni de casier judiciaire dans le dossier de création
de l'hebdomadaire qui paraît pourtant depuis plus de trois
ans.
Face à la situation critique de la presse togolaise, le secrétaire
général de l'Union des journalistes indépendants
du Togo (UJIT), Daniel Lawson-Drackey, estime que des discussions
entre les journalistes et le ministre de l'Intérieur pourraient
aplanir les divergences de vue.
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Noël Tadégnon
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Inter Press Service (IPS)
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