Situation économique et financière du Togo:
fortement compromise et dépendante de la résolution de la crise politique.
 


(...) En 2001, sur les huit critères définis dans le cadre du Pacte de convergence, le Togo a respecté un seul, en occurrence le critère relatif au solde budgétaire de base rapporté au PIB. En 2002, l'analyse de l'état de convergence laisse apparaître le non-respect de tous les critères. Les difficultés rencontrées par l'économie togolaise pour converger trouvent leurs causes réelles dans l'absence de relations avec la Communauté financière internationale et la situation du climat socio-politique.

Perspectives économiques 2002-2004 :

Le programme pluriannuel réaménagé 2002-2004 du Togo est parvenu à la Commission le 06 juin 2002. Il constitue une actualisation du programme 2001-2003 adopté par décision n° 13/2000/CM/UEMOA du 21 décembre 2000.
Principaux éléments du programme réaménagé :
Le programme pluriannuel réaménagé du Togo définit la stratégie de convergence que ce pays compte mettre en œuvre au cours de la période 2002-2004. Il repose sur un scénario qui a pour fondement la poursuite de l'assainissement des finances publiques et des réformes structurelles. Il est basé sur une croissance moyenne de 3,8 %, soutenue par le secteur secondaire qui croîtrait de 5,2 % en 2002, de 6,9 % en 2003 et de 7,6 % en 2004, sous l'impulsion des industries extractives, des cimenteries et des unités sidérurgiques. Les hypothèses qui sous-tendent cette croissance sont, entre autres, la bonne pluviométrie et les performances des cultures de rente, en particulier du coton dont la production est en hausse depuis la dernière campagne 2001/2002. L'observance stricte des hypothèses de ce scénario favoriserait, à partir de l'année 2002, l'amélioration du cadre macroéconomique à travers une relance effective des activités sectorielles.

Les stratégies de convergence de l'économie sur la période 2002-2004 se fondent sur les mesures à mettre en œuvre pour diversifier les exportations et contenir certaines catégories d'importations dans le but de réduire le déficit chronique de la balance commerciale.
Les mesures envisagées sont :

1- Accroître les exportations, à travers :
- la finalisation du programme de restructuration et de privatisation des entreprises publiques, en particulier l'Office Togolais des Phosphates (OTP) ;
- la redynamisation du secteur privé pour une reprise des activités des sociétés d'exportation de produits agricoles ;
- les services de conseils aux producteurs et exportateurs de produits de rente ;
- la diversification des produits d'exportation ;
- la relance des activités en zone franche.

2- Maîtriser l'accroissement des importations, à travers :
- la promotion de la production locale ;
- la poursuite de la tendance baissière des importations de produits alimentaires ;
- le contrôle des importations exceptionnelles de certaines catégories de biens d'équipement ;

3- Réduire le déficit de la balance des services, à travers :
- l'accélération du processus de privatisation des structures hôtelières en vue de la promotion du tourisme ;
- l'accélération du processus de restructuration du Port Autonome de Lomé (PAL) pour soutenir sa compétitivité dans la sous-région ;
- la réhabilitation des infrastructures routières et ferroviaires en appui au PAL ;

4- Réduire le déficit de la balance des revenus, à travers :
- l'intéressement des nationaux aux prises de participation dans les programmes de privatisation en cours ;
- la mise en place des dispositions nécessaires pour bénéficier des négociations en cours pour la réduction de la dette en faveur des PPTE.

Certaines mesures visent également à augmenter l'offre de produits vivriers locaux afin de contenir les tensions sur le niveau général des prix. En effet, au cours de la période du programme, le niveau général des prix resterait modéré avec un taux d'inflation annuel moyen autour de 3%. Grâce à une mise en œuvre réussie des réformes structurelles, notamment la restructuration et la privatisation des entreprises publiques et du système bancaire, l'activité économique enregistrerait un taux de croissance de 3,0 % en 2002, 4,0 % en 2003 et 4,5 % en 2004. Bien qu'en amélioration continue, la croissance économique prévue au cours de la période du programme resterait bien en deçà du taux requis de 7 % pour amorcer la réduction de la pauvreté.

S'agissant des finances publiques, les stratégies de convergence budgétaire contenues dans le programme pluriannuel 2002-2004 réaménagé reposent sur une politique budgétaire assainie permettant de relever substantiellement le taux de pression fiscale et de réduire l'encours de la dette publique totale. Dans cette optique, les recettes totales et dons passeraient de 16,3 % du PIB en 2002 à 16,2 % en 2003, puis à 16,3 % en 2004. Les Autorités prévoient un train de mesures budgétaires au niveau des différentes régies financières pour :
- une meilleure taxation de l'activité agricole ;
- un élargissement de l'assiette fiscale ;
- une amélioration du suivi du recouvrement de la TVA ;
- une limitation des exonérations ;
- l'achèvement de l'informatisation des centres des impôts;
- l'adoption d'un plan de trésorerie comme instrument d'amélioration de la gestion des dépenses et des recettes budgétaires.

Dans ces conditions, le taux de pression fiscale passerait de 12,7 % en 2002 et en 2003 à 13,0 % en 2004.
La mise en œuvre réussie de ce train de mesures fiscales passe par la résolution de la crise politique qui perdure dans le pays, résolution qui pourrait stimuler la demande intérieure à travers la consommation et l'investissement grâce à la reprise intégrale de la coopération avec la communauté financière internationale.

Parallèlement, les dépenses totales et prêts nets rapportés au PIB nominal passeraient de 19,3% en 2002 à 20,3 % en 2003, puis à 19,4 % en 2004 contre 15,6 % en 2001. Les dépenses de base, en baisse modérée, passeraient de 15,7 % du PIB en 2002 à 14,4 % en 2004. Il en résulterait une amélioration continue du solde budgétaire de base qui passerait de -1,0 % en 2002 à 0,7 % en 2004 avec 0,0 % en 2003. Le ratio de la masse salariale rapportée aux recettes fiscales ne respecterait pas la norme de 35 % en passant de 46,0 % en 2002 à 44,5 % en 2003 puis à 42,2 % en 2004. Quant aux dépenses d'investissement financées sur ressources internes et rapportées aux recettes fiscales, elles enregistreraient une légère amélioration en passant de 9,1 % en 2002 à 9,5 % en 2003, puis à 9,6 % en 2004.

Le Gouvernement a défini des priorités dans le programme intérimaire renforcé, prorogé jusqu'au 30 septembre 2002. Ces priorités consistent à payer les salaires et à rembourser la dette extérieure. A cet effet, un programme d'allégement de la dette a été mis en place pour assurer le traitement des arriérés extérieurs accumulés en 2000 (42,2 milliards) et en 2001 (38,9 milliards). De même, par le mécanisme de compensation des créances et des dettes croisées entre l'Etat et les entreprises publiques, le Gouvernement entend accélérer le processus d'apurement des arriérés de paiement intérieurs, afin de faire baisser l'encours de la dette intérieure.

Evaluation technique du programme :

Présentation du programme :
Le programme pluriannuel 2002-2004 réaménagé du Togo, quoique cohérent, a été présenté sans le canevas d'annexes statistiques. Toutefois, pour une meilleure conformité à celui-ci, le programme devrait être enrichi par des développements relatifs au point d'application des directives des finances publiques et à l'élaboration d'un calendrier de mise en œuvre des mesures proposées. Le programme devra respecter le canevas type d'annexe statistique proposé par la Commission.


Cohérence des programmes :
Le programme pluriannuel de convergence 2002-2004 réaménagé est cohérent avec le programme monétaire de l'année 2002 et le programme intérimaire renforcé, prorogé au début du mois de février 2002 jusqu'au 30 septembre 2002, après une évaluation par le FMI qui a exprimé sa satisfaction tant sur le plan macroéconomique que sur le plan des réformes structurelles.

Amélioration continue des critères de convergence :
Conformément aux dispositions de l'article 8 de l'Acte Additionnel portant Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité, il apparaît que le profil des indicateurs de convergence, relatifs au solde budgétaire de base rapporté au PIB, au taux d'inflation annuel moyen, à la non-accumulation d'arriérés de paiement intérieurs et extérieurs, au taux d'endettement, au ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales, serait marqué par une amélioration continue, mais insuffisante.

Toutefois, le critère clé ne serait pas respecté en 2002. Le profil des autres critères de convergence ne s'améliorerait pas au cours de la période, en particulier, le solde extérieur courant hors dons rapporté au PIB nominal et le taux de pression fiscale.

Conformité aux objectifs de l'année de convergence :
Exception faite du critère relatif à la non-accumulation d'arriérés de paiement, aucun des autres indicateurs de convergence ne serait respecté en 2002. Une amélioration apparaîtrait en 2003 et en 2004 pour le critère clé. Toutefois, l'écart de financement résiduel projeté à fin 2002 pour un montant de 75,2 milliards permet de penser que le critère de non-accumulation d'arriérés de paiement ne sera pas effectivement respecté.

Pertinence des hypothèses :
L'objectif d'un taux de croissance de 3,8 % en moyenne par an retenu dans le cadre du programme pluriannuel 2002-2004 réaménagé paraît raisonnable au regard de la robustesse des hypothèses du scénario sur lequel sont élaborées les stratégies qui fondent ce programme. En effet, le scénario repose sur des hypothèses de bonne pluviométrie, de relance de la production du secteur cotonnier, de performances des cimenteries et des unités sidérurgiques. Il est également fondé sur les capacités de l'économie togolaise à poursuivre l'assainissement des finances publiques et sur l'accélération des réformes structurelles, en particulier la restructuration et la privatisation des entreprises publiques, notamment la branche phosphate qui est en pleine restructuration depuis janvier 2002 et du système bancaire.

Sous réserve de certaines contraintes, l'objectif de croissance proposé pourrait être atteint dans des proportions limites pour les raisons ci-après :

- les difficultés financières et les incertitudes liées à la restructuration de la filière coton à cause de la persistance de la tendance baissière des cours, observée sur le marché mondial, malgré la reprise de la production de coton graine depuis la dernière campagne ;

- les perspectives d'une reprise de la production des phosphates liées en retour à une restructuration rapide de la filière qui est en cours depuis janvier 2002 ;

- la normalisation du climat socio-politique qui tarde à venir et qui a une forte incidence sur le niveau de l'activité économique en général ;

- la reprise de la coopération avec l'Union européenne qui a été suspendue depuis près d'une décennie.

Par conséquent, il ressort que le respect du sentier décrit par le programme reste fortement dépendant de la résolution de la crise politique que traverse le pays et de la reprise des relations harmonieuses avec la communauté financière internationale. Si les contraintes précitées étaient levées au cours du deuxième semestre 2002, la reprise de la coopération avec la communauté financière internationale ne reprendrait qu'au début de l'année 2003, avec pour conséquence des performances moindres en matière de croissance économique par rapport aux prévisions de 3,0 % pour l'année 2002.

En liaison avec cette possible révision à la baisse du taux de croissance économique, les prévisions des recettes fiscales pourraient être également révisées à la baisse. Dans ces conditions, et en l'absence de mesures plus vigoureuses pour maîtriser les dépenses courantes, à l'instar de ce qui a été fait en 2001 dans le cadre du programme intérimaire renforcé, le ratio du solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal, critère clé, projeté à -1,0 % en 2002 pourrait se dégrader davantage. Il en serait de même du taux de pression fiscale, du ratio de l'encours de la dette publique totale rapporté au PIB et des arriérés de paiements intérieurs et extérieurs.

En considération de ces appréciations, l'accent devrait être porté sur la contraction des dépenses budgétaires comme réalisée au cours de l'année 2001 et la compression de certaines importations. En outre, le programme devrait être réaménagé en proposant avec clarté et assurance des mesures concrètes de résolution des contraintes ci-dessus citées, permettant de renouer avec la communauté financière internationale en vue de garantir une croissance forte et durable.

Conclusion et recommandations :

L'évaluation de ce programme réaménagé montre que le sentier qu'il décrit ne permet pas d'assurer une convergence de l'économie togolaise en 2002. En effet, la mise en œuvre réussie des mesures fiscales proposées et la réalisation d'une croissance forte dépendent, non seulement de la soutenabilité des finances publiques, mais surtout de la résolution de la crise politique que traverse le pays et de la reprise des relations harmonieuses avec la communauté financière internationale.

La Commission constate que la République Togolaise a accusé un retard important dans la réalisation des conditions devant permettre la reprise, au deuxième semestre 2002, des relations harmonieuses avec la Communauté financière internationale. En conséquence, les objectifs retenus pour l'année 2002 seraient fortement compromis.

La Commission suggère au Conseil des Ministres le réaménagement du programme pluriannuel du Togo
Source: Commission de l'UEMOA, juillet 2002



 


 
 
 
Extrait du Rapport d'exécution de la Surveillance multilatérale de l'UEMOA, Juillet 2002
 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
 
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