DAHUKU PERE FACE AU BILAN DU DICTATEUR ETIENNE GNASSINGBE EYADEMA
 

Note de la rédaction: La présente prise de position que nous publions sous la rubrique OPINIONS ET DOSSIERS réagit à l'article de: A quand donc la fin de la barbarie?


5 mai 2002

OPINION

Ancien séminariste, ancien professeur au lycée de Sokodé, ancien ministre, ancien secrétaire du parti état RPT, ancien président de l'Assemblée nationale togolaise, Dahuku Pere a osé dire ce que tout le monde pense tout bas, c'est le scandale de la République, de relater les crimes odieux, les erreurs du régime dictatorial'dans un pays où la situation socio-économique confine à la tragédie nationale, au terme de 40 ans de règne.

Mais qui peut dénoncer les crimes crapuleux, les coups bas, les détournements de fonds, la situation catastrophique du régime du part-État, la frustation des hommes dont le dictateur Etienne Eyadema Gnassingbe a abusé de leurs femmes, l'ancien vice président de la deuxième république Antoine Meatchi, Dagadji, Pali Tchala, Dr Thangai, Boukari Djobo, etc. Qui peut mieux nous informer que Dahuku Pere, Kabye, ethnie du dictateur?

Cet intellectuel modéré qui était destiné au sacerdoce a fait preuve de courage de bonne volonté, sa combativité je l'avais remarquée en 1998 lorsqu'il'recevait la délégation de Southpanafrican International Women in Development que je dirigeais à l'époque, venue lui soumettre le rapport du projet "METTONS FINS AUX MUTILATIONS GENITALES AU TOGO" financé par Global'Fund for Women USA. Il'a usé de tout son poids pour que la loi interdisant cette pratique inhumaine soit adoptée. Cela n'est qu une parenthèse, fermons là. Toutes les abeilles n'ont pas encore quitté la "ruche", mais Dahuku Pere, incontestablement, trace les sillons, dans ce pays où la critique sur le régime est sacrilège de sa majesté, pourtant il'a fait une déclaration fracassante qui a semé la peur sur "les barrons" du régime. Il'est vrai, la vie de toute une génération a été sacrifiée à cause du mensonge et d'un formidable lavage de cerveau entrepris depuis 1967 et accentué en 1974 après l'accident mensonger de Sarakawa, où le gouvernement togolais a pu gruger le peuple togolais qu'il's agissait d'un accident ourdi par le colonisateur, alors que c'est cette même France qui t'a fait roi de tout pièce. La génération qui a vu le jour après ces fameuses dates est sacrifié par ceux qui détiennent le savoir, ceux qui doivent informer leur jeunesse, ceux qui doivent pousser à la révolte populaire contre le régime dictatorial, ceux la ont complètement fui leurs responsabilités en mentant effrontément à leur peuple et surtout à la jeunesse. Qui parmi ceux qui sont nés après les indépendances, connaissent les vrais héros de l'Histoire de notre pays? Non, parmi ceux qui se sont sacrifiés pour la bonne cause, pour que le Togo accède à l'indépendance en 1960 Eyadema n'y figurait; il'ne connaît pas comment les dignes fils ont pu, à l'actuelle place où se trouve la SGGG, refusé aux Français de hisser le drapeau de la honte, parce que les manuels scolaires ont été façonnés à l'image d'un opportunisme qui ne connaît pas la lutte fratricide qu'ont subi les dignes fils fondateurs de l'Indépendance de notre pays. C'est une chose monstrueuse, dans cette cacophonie, les premières victimes de ces atrocités sont les femmes et les enfants.
Et bien, une nouvelle ère offre un spectacle pitoyable où se mêlent l'agitation fiévreuse des fins de règne et la pénible sensation d'un échec irrattrapable. Car tous les observateurs les plus indulgents estiment que le bilan de 40 ans de dictature de Etienne Gnassingbe Eyadema est scandaleux et meurtrier laissant un pays face à toutes les difficultés que des hérauts comme Dahuku Pere promettent d'éradiquer. Mais l'ère nouvelle dans la déclaration de Dahuku Pere ressemble pour nous à un interminable crépuscule, ou au mieux à une aurore immobile. La situation économico-socio-politique frise la tragédie nationale; l'état catastrophique des secteurs scolaires et universitaires fait peser une lourde hypothèque sur l'avenir des jeunes générations, le socle de nos espoirs. C est dans cet été que le Togo où on observe depuis 6 ans l'absence totale de l'opposition au parlement, au gouvernement et donc de la gestion de l'espace politique où le monde occidental reste indifférent à cette "démocratie unijambiste", où l'opposition togolaise n'a cessé de réclamer ses droits, tandis que le pouvoir s'est accommodé, sans trop d'effort apparent de cette situation. Face à une opposition de plus en plus dépourvue de moyens, le pouvoir n'a pu s'empêcher d'étendre sa primauté. Aujourd'hui, en dénonçant la dictature, Dahuku Pere veut déjà se démarquer de ses compagnons d'hier, ainsi que de leur bilan. Une chose est sûre, pendant 40 ans, la soldatesque du dictateur Eyadema Gnassingbe dont 96 % sont kabye, ethnie du dictateur, aura commis les pires exactions contre les citoyens togolais suspectés d'être opposants. Des armes payées par les contribuables togolais pour assurer leur sécurité, non, les forces de l'ordre ont plutôt tourné ses armes contre de paisibles citoyens.

L'histoire est parfois cruelle, un odieux être! Gnassingbe Eyadema Etienne qui a toujours ignoré l'apport dans l'économie et la stabilité politique, du débat contradictoire, du brassage des énergies et des intelligences. En tant qu'activiste des droits humains, mère de famille, épouse, je n'ai pas pu effacer de ma mémoire, que ce soit dans les cellules, dans la rue de 1990 à 2002, les hurlements insupportables des blessés, les ultimes cris de ceux qui tombent sous les balles des forces de l'ordre ou sous les coups des matraques, de l'empoisonnement, du gaz "sarain" au Togo. C'est pourquoi je demande et exige de tous nos partenaires des droits humains, de l'Union Européenne, des USA, et de l'ONU, d'exiger du régime du dictateur togolais, la libération immédiate de Dahuku Pere, car il peut être empoisonné, maltraité, torturé. J'ai assez de preuve sur ces pratiques au Togo, pour avoir travaillé sur les prisons au Togo. Cette dictature a jeté sur le chemin de l'exil plus d un million de Togolais, l'exil, la douleur, l'humiliation, la souffrance; lors d'incessantes missions, que ce soit au Ghana, Sierra Leone Côte d'Ivoire, Guinée Conakry, Congo Démocratique, la situation des réfugiés est inhumaine, scandaleuse. Lorsque j'interrogeais les anciens réfugiés tchadiens du camp de Kousseri au Cameroun, où les forces de l'ordre arrachaient les femmes des réfugiés, où les mineures étaient violées, cela donne de la nausée. À la lisière de la Guinée Conakry et de Sierra Leone, j ai été sidéré que les responsables onusiens ne disent jamais la vérité sur la situation des réfugiés, ils font des rapports de complaisance; au Congo Democratique où pendant un an, grâce au financement d'une institution dont je préfère taire le nom et où j'ai appris la langue du pays, j'ai travaillé avec des fillettes qui sont adultes à l'age de 9 ans, ironie du sort, ce qui ne peut jamais ce passer en Europe car là-bas les enfants sont "rois et sacrés", en Afrique les enfants sont des bêtes de sommes. Le Togo, comme l'Afrique, continue de partager avec le reste du monde des valeurs morales qui ne sauraient, en tous temps et en tous lieux souffrir de la justification des pulsions néfastes telles que le racisme, l'injustice d'État et l'exclusion. Il y a une terrible permanence, presque une confirmation toujours plus forte; l'ivresse de l'obstination, la jouissance d'avoir raison seule contre tous, y compris contre le Togolais qui, mû par une motivation à laquelle le pouvoir demeure sourd, acceptant le sacrifice suprême de leur vie pour exprimer leur désarroi ou leur colère.
Ce message-là de Dahuku Pere peut être indéfiniment occulté par un pouvoir qui veut faire du temps son meilleur allié.

Il est grand temps pour dénoncer Gnassingbe Eyadema qui abuse de sa position de force pour torturer, violer, massacrer. Nous voulons rêver, croire à l'ère nouvelle le jour où Etienne Gnassingbe Eyadema répondra du massacre de Freau jardin, de Soudou, de Blitta, de Kpalimé, de Tavio Amorin, de Boukari Djobo, du Dr Attidepe, de Sylvanius Olympio et tant d'autres, des enlèvements, des portés disparus, devant une cour réunie par l'ONU. Pas avant.

Lomé, Togo, 5 mai 2002
Mme. Awa Teouri

Directrice de projet SPI




 


 
Une prise de position de:
 
 
Awa Teouri
 
 
Directrice du projet
Women In Development Southpanafrican International, SPI
 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
 
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