Invité Afrique
de ce matin: retour sur les élections législatives de
dimanche dernier au Togo, un scrutin boycotté par l'opposition.
Le principal leader de l'opposition Gilchrist OLYMPIO, Président
de l'Union des Forces de Changement, est au micro de Christophe BOUABOUVIER.
Christophe BOUABOUVIER (RFI): Gilchrist OLYMPIO, bonjour
Gilchrist OLYMPIO (G.O.): Bonjour, M. Bouabouvier.
Christophe BOUABOUVIER: A l'issue de votre boycott
de dimanche dernier, vous êtes à nouveau absent de
l'Assemblée Nationale togolaise. Est-ce que vous n'allez
pas finir par payer cette politique de la chaise vide?
Gilchrist OLYMPIO: Non. Vous savez, le scrutin qui a eu
lieu le dimanche dernier est finalement un non évènement.
Personne ne reconnaît la validité de ces élections
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur
du Togo. Nous nous demandons quel est le sens de ce scrutin boycotté
non seulement par les principaux partis de l'opposition mais également
par la société civile, y compris mêmes les églises.
Je crois comprendre que même le Département d'Etat
américain a fait une déclaration exhortant Monsieur
Eyadema à renouer le dialogue sans exclusive. Et je crois
que le moment est venu pour M. Eyadema non seulement d'accepter
le dialogue, mais surtout de prendre la décision ferme de
quitter la scène politique, comme le demande notre Constitution,
l'année prochaine.
RFI: Alors, justement l'année prochaine, il
y a cette élection présidentielle au mois de juin.
Est-ce que vous n'auriez pas eu intérêt à être
à l'Assemblée dans les mois qui viennent pour surveiller
la préparation de ce scrutin?
Gilchrist OLYMPIO: Je crois que d'ici les élections
présidentielles de l'année prochaine, il aura de grands
changements au Togo. Je crois que ce Parlement ne va pas durer et
je crois aussi fermement que le gouvernement qui sortira de ce Parlement
ne va pas durer non plus.
RFI: Qu'est-ce qui peut convaincre le Président
Eyadema d'opérer les changements que vous réclamez?
Gilchrist OLYMPIO: Mais, il y a toutes sortes de forces
à l'intérieur comme à l'extérieur, y
compris même les forces de sécurité. Parce qu'il
ne faut pas oublier que nous avons maintenant une armée de
14.000 hommes alors que quand M. Eyadema avait pris le pouvoir en
1963, il n'y avait que 500 hommes dans l'armée dont le plus
gradé était un capitaine. Aujourd'hui, nous avons
des sous-officiers, des officiers qui sont instruits. Il y en a
même qui sont sortis de Grandes Ecoles militaires françaises,
allemandes, américaines et qui, comme nous, commencent à
voir ce qui se passe au Togo. Il y aussi la société
civile, les syndicats, les travailleurs. Il y aussi la communauté
internationale. Je crois que toutes ces forces conjuguées
donneront un message clair à M. Eyadema que le moment est
venu, il faut qu'il quitte la scène politique.
RFI: Jusqu'à présent Gnassingbé
Eyadema a toujours promis qu'il ne modifierait pas la Constitution
pour se re-présenter l'année prochaine. Est-ce que
vous croyez qu'il tiendra sa promesse?
Gilchrist OLYMPIO: Il l'a déjà modifiée
dans son article 52 quand il a dissout le Parlement et je crois
qu'il a l'intention de modifier la Constitution. Mais nous sommes
plus dans cette logique de négociations avec Eyadema. Il
parait qu'il faut carrément lui dire de partir.
RFI: Gilchrist Olympio, si les choses ne vont dans
le sens que vous souhaitez. Si une commission électorale
indépendante n'est pas créée, si Gnassingbé
Eyadema se re-présente, qu'est-ce que vous feriez en juin
prochain? Vous iriez à l'élection ou vous la boycotteriez?
Gilchrist OLYMPIO: Mais, nous allons voir ce que ça
va donner. Pour le moment, nous avons demandé à M.
Eyadema d'abroger les trente et quelques amendements qu'il a apportés
au Code Electoral que nous avions élaboré de façon
consensuelle. Nous allons voir sa réaction. Mais on va voir
ce que ça va donner.
RFI: Les excellentes relations entre Jacques Chirac
et Gnassingbé Eyadema sont connues. Quand Jacques Chirac
a été réélu cette année, est-ce
que vous n'avez pas fait la grimace?
Gilchrist OLYMPIO: (Sourire) Non, pas du tout. M. Chirac
est le Président d'un grand pays européen, très
respecté, qui a beaucoup d'influence. Je ne crois pas qu'en
ces circonstances, M. Chirac soit très content de s'afficher
très souvent avec M. Eyadema et son régime. Nous sommes
en France. Nous essayons de discuter avec les autorités françaises
et nous avons fait un petit bout de chemin. La France est un pays
qui évolue. Il y a autour de M. Chirac des jeunes qui représentent
l'avenir et je crois que c'est dans ce sens que nous devons travailler.
RFI: Pourquoi résidez-vous plus souvent à
Paris que dans le passé? Est-ce que ce n'est pas justement
pour vous rapprocher de Jacques Chirac, pour casser cette image
de "Gilchrist Olympio trop proche des Anglo-Saxons" ?
Gilchrist OLYMPIO: (Sourire) J'aime beaucoup ce mot "Anglo-Saxon"
qui n'existe qu'en Français. Ceci étant dit, c'est
vrai, ces derniers temps nous avons eu des contacts avec des gens
proches du pouvoir français, parce que la France est notre
partenaire principal.
RFI: Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe entre le Gnassingbé
Eyadema que vous dénoncez à la tête du Togo
et le Gnassingbé Eyadema à qui les Ivoiriens demandent
de faire la médiation dans la crise actuelle en Cote d'Ivoire?
Gilchrist OLYMPIO: Je ne sais pas si se sont les Ivoiriens.
C'est la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest, ndlr). Vous savez, les organisations africaines ne sont
pas des clubs pour la promotion de la démocratie. Donc, je
crois que les Ivoiriens n'ont vraiment pas eu de chance d'être
tombés sur M. Eyadema. Moi, à leur place, j'aurais
demandé qu'un homme de stature soit responsable pour contacter
et l'opposition et le gouvernement en Cote d'Ivoire. Toutes les
médiations que M. Eyadema a entreprises ont fini par un échec.
Que se soit au Tchad, en Sierra Léone ou au Libéria,
on n'a jamais eu de résultats positifs. On se demande si
cette fois-ci, ça va aboutir. Il faut quelqu'un du gabarit
de Nelson Mandela pour s'impliquer dans cette affaire et non M.
Eyadema dont le pays est au bord de l'implosion.
RFI: C'était Gilchrist OLYMPIO au micro de Christophe
BOUABOUVIER
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