Après plusieurs mois de rupture de dialogue, le Comité
Paritaire de Suivi (CPS) issu des Accords Cadre de juillet 1999
s'est transporté à Paris les 2 et 3 mai 2002 sur invitation
des facilitateurs du dialogue inter-togolais à un rendez-vous
qui a été présenté comme étant
la "rencontre du dernier espoir".
Rappelons que cette rencontre avait lieu à Paris en raison
du refus du parti au pouvoir d'accéder à la demande
de l'opposition de solliciter la venue à Lomé des
facilitateurs de la France, de l'Allemagne, de l'Union Européenne
et de l'Organisation Internationale de la Francophonie.
OPINION
Le jeudi 9 et le vendredi 10 mai 2002, Carrine Franck de Radio
France Internationale a reçu respectivement à
M. Fambaré Ouattara Natchaba, Président de l'Assemblée
Nationale et Chef de la délégation de la Mouvance
Présidentielle et à M. Gilchrist Olympio, Président
de l'Union des Forces de Changement (UFC) vainqueur présumé
des présidentielles de 1998 dans le cadre de l'émission
"Invité Afrique de RFI matin".
Nous proposons à nos lecteurs de lire les deux interviews
ainsi que nos commentaires
Interview de M. F. O. NATCHABA dans l'émission Invité
Afrique de RFI Matin
9 mai 2002
RFI: M. Natchaba, il y a un mois, le Comité Paritaire
de Suivi (CPS) a repris ses travaux à Lomé, un mois
et les choses n'avancent pas d'un iota, le dialogue inter-togolais
est complètements bloqué; alors vous êtes venus
à Paris pour une réunion du dernier espoir. L'opposition
vous a présenté une proposition, abroger le nouveau
code électoral que l'Assemblée Nationale que vous
présidez a adopté en Février dernier et on
accepte de réduire de 20 à 10 le nombre des membres
de la CENI. Cette proposition vous la rejetez pourquoi?
NATCHABA: Nous disons non. C'est une loi de la République.
Elle ne sera pas abrogée ni aujourd'hui, ni demain. Parce
que au fond, qu'est - ce qui est essentiel dans le Code Electoral?
C'est les mécanismes des prises de décision qui ont
bloqué la CENI jusqu'à ce jour. Il fallait débloquer.
Nous l'avons fait. Le nombre pléthorique, nous l'avons fait.
Le mode de scrutin, nous l'avons fait. Nous avons dit que dans toute
sous - région, lorsqu'on fait le bulletin unique que nous
avons accepté, c'est un tour. Nous allons à un tour.
RFI: Dans la sous - région, il y a la proportionnelle.
Au Bénin, c'est la proportionnelle et non le scrutin majoritaire,
c'est une grosse différence.
NATCHABA: Mais vous savez, le bulletin unique a été
introduit dans notre code, à la demande de l'opposition.
Donc, nous nous disons, bulletin unique à deux tours. Et
économiquement nous ne pouvons pas tenir deux tours de scrutin,
ça coûte de l'argent.
RFI: C'est obliger l'opposition à s'unir dès
le premier tour, ça vous le savez aussi.
NATCHABA: Ca, c'est son affaire. Nous l'avons modifié
pour tenir compte de ce qui permet d'aller rapidement aux élections
et alléger les souffrances du peuple togolais.
RFI: L'opposition vous reproche aussi de vouloir écarter
le Président de l'UFC, Gilchrist Olympio en changeant les
conditions d'éligibilité?
NATCHABA: Vous savez, la loi ne vise pas ce Togolais ou cette
personne plus que d'autres personnes. La loi, elle est faite pour
tout le monde.
RFI: Tout cela, vous l'avez fait de manière absolument
pas consensuelle. Il y a un processus qui était quand même
en cours. Vous avez adopté cette modification de la loi de
manière unilatérale.
NATCHABA: Non, il y a une confusion Madame. L'Assemblée
ne vote pas, ne partage pas ses compétences avec un autre
organe. Le CPS n'est pas un organe institutionnel. C'est l'Assemblée
seule qui a voté le code. Et lorsque ça ne marche
pas, c'est à la même Assemblée de prendre sa
responsabilité. Nous, nous avons les responsabilités
de la gestion de l'Etat.
RFI: Si cette Assemblée est aussi légitime
comme vous le dites, pourquoi vous êtes tenu, en ce cas là,
de faire des législatives anticipées?
NATCHABA: Cette Assemblée est légitime pourquoi?
Parce que du moment où on n'a pas interdit aux gens en 1999
de se présenter. Nous avions modifié le Code Electoral
deux fois à la demande de l'opposition pour qu'elle se présente.
Au bout de deux fois, elle n'accepte pas de se présenter.
Ceux qui ont été élus représentent légitimement
l'ensemble du peuple togolais et toutes les décisions qu'ils
prennent concernent le peuple togolais tout entier.
RFI: La Communauté Internationale a condamné,
elle aussi, ce nouveau code électoral.
NATCHABA: La Communauté s'est inquiétée
du fait que cette décision ait été prise sans
que l'opposition n'ait été consultée. Quand
nous prenons nos lois, ce n'est pas une négociation internationale.
La deuxième remarque que je fais, c'est qu'il y a beaucoup
de gens qui parlent du processus au Togo. Mais ils ne savent même
pas de quoi ils parlent.
RFI: Pour vous finalement, c'est l'opposition qui ne veut
pas aller aux élections anticipées? C'est ça
que vous reprochez fondamentalement à l'opposition?
NATCHABA: Je crois que l'opposition ne veut pas aller à
l'élection législative anticipée et je crois
que vous avez touché le fond du problème. Depuis 1999,
l'agenda des élections législatives n'était
pas l'agenda de toute l'opposition. Vous savez, notre obligation,
c'est d'organisez les élections législatives anticipées
quand les conditions sont là, à savoir que tout le
monde puisse se présenter. On ne peut pas forcer le cheval
à aller boire quand il n'a pas soif.
RFI: Que proposez-vous à l'opposition, hormis de
rentrer dans le rang purement et simplement?
NATCHABA: Que l'opposition fasse preuve de clairvoyance pour
s'engager résolument dans le processus électoral en
allant aux prochaines consultations électorales des législatives
anticipées.
RFI: A vos conditions?
NATCHABA: Quelles conditions? C'est les conditions des lois
de la République. Il faut avoir le courage politique et l'intelligence
d'aller à ces élections.
RFI: Imagine que l'opposition vous renvoie le compliment
et vous dit bon, vous qui avez le pouvoir ouvrez les vannes et abroger
ce texte que nous rejetons et allons à l'élection.
NATCHABA: Madame, vous pouvez me dire combien de fois la
protestation d'un parti politique a fait abroger des lois en France?
Ca n'existe pas ça. Il faut que les gens commencent par considérer
les autres pays comme des pays puisqu'on leur dit d'aller dans l'Etat
de droit. Et c'est des pays qui évoluent vers cela. Donc
qu'on ne leur demande pas de faire ce qu'on ne peut pas faire dans
l'Etat de droit.
RFI: M. NATCHABA, je vous remercie
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