Le présent article retrace l'intervention publique du
Dr. Gilchrist OLYMPIO, Président de l'Union des Forces
de Changement (UFC, parti d'opposition), le 21.07.2002
à Paris sur sa vision de la nature et du rôle d'une
armée togolaise.
La rédaction TOGO Confidentiel pense
que nos lecteurs devraient se faire leur propre opinion du contenu.
Voici la version intégrale. Note de la rédaction.
DECLARATION
DU PRESIDENT DE L'UNION DES FORCES DE CHANGEMENT (UFC, parti d'opposition)
Paris, le 21 juillet 2002
Quelle armée pour le Togo ?
Il nous a été souvent demandé ce que nous
comptions faire de l'armée si les forces démocratiques
parviennent au pouvoir. Cette question est en effet cruciale car
le Togo notre pays avec 4 millions d'habitants possède une
armée de 14 mille hommes comparée aux armées
des pays voisins plus vastes et plus peuplés. Au delà
de la pléthore, c'est le caractère ethnique des forces
armées togolaises qui interpelle nos compatriotes et tous
les observateurs avertis. La tache principale de l'armée
est la protection des citoyens. Les forces armées togolaises
(FAT) n'ont jamais joué ce rôle. Pourtant l'article
49 de la constitution précise les forces de sécurité
et de polices sous l'autorité du gouvernement ont pour mission
de protéger le libre exercice des droits et des libertés
et de garantir la sécurité des citoyens et des biens.
La triste réalité c'est que l'armée togolaise
a été utilisée pour assurer le maintien du
président Gnassingbé Eyadema au pouvoir et la pérennité
de son système répressif.
Les rapports que l'armée a entretenus avec nos populations
ces douze dernières années n'ont pas été
de nature à favoriser les liens entre la nation et les FAT.
Cela découle des bases mêmes de la constitution de
cette armée. S'il est indéniable que notre pays a
besoin des hommes formés et équipés pour la
défense de son intégrité et du territoire,
il va sans dire que cette noble tâche devrait être soutenue
par une conviction réelle : l'amour de la patrie. Il s'agit
d'une ambition. Plus qu'un citoyen ordinaire, le militaire se donne
entièrement à son pays ; il s'engage au péril
de sa vie. C'est ce qui explique la rigueur et le courage dont il
doit faire preuve dans toutes ses actions. Chez nous au Togo, l'armée
tout comme les autres composantes de la nation a été
victime du mauvais agencement des affaires du pays, des amalgames
et des improvisations qui ont fait et qui continuent de faire qu'un
seul individu se croit dépositaire et titulaire de tous les
droits. Le cas de l'armée a été encore plus
grave. Parce qu'il est soldat, le chef de l'Etat a fait une armée
à son image, selon ses besoins personnels. J'ai eu la chance,
ces dernières années, de discuter avec plusieurs militaires
et gendarmes du Togo. Ce sont des hommes courageux et dignes de
respect. Ils sont tous soucieux de redorer l'image de FAT qui doivent
devenir une armée réellement nationale et républicaine.
Nous avons le devoir de leur donner cette chance.
La question de la pléthore de
l'armée.
Il est hors de question de vouloir résoudre le problème
de l'effectif de l'armée en la coupant de moitié.
Notre pays a opté pour une armée de métier.
Nous devons assumer ce choix. A mon avis, la réorganisation
de l'armée doit intervenir dans le cadre d'un plan de développement
global du Togo. En ce sens, plusieurs jeunes gens aujourd'hui engagés
sous les drapeaux pourront se reconvertir dans des métiers
manuels et techniques en suivant des formations appropriées.
L'Etat et le gouvernement devront y veiller.
Par ailleurs en fixant à 45 ou 50 ans l'âge de la
retraite dans l'armée, nous permettrons à de nombreux
militaires qui le désirent de se réorienter dans des
activités de développement. Vous comprenez que, pendant
quelques années, en suspendant les nouveaux recrutements
nous réduiront l'effectif des casernes tout en rendant nos
frères d'armes plus utiles au développement du pays.
Promouvoir le génie militaire.
L'un des plus grands péchés du régime du RPT,
c'est d'avoir consigné des années durant des milliers
d'hommes valides dans des camps, tout en professant une politique
vaseuse de paix et de progrès. Nous devrons mieux faire.
L'armée sera aux côtés du peuple pour son développement
économique et socio-culturel. Le secteur agricole sera déterminant
dans la mise en uvre de notre politique de développement.
Il est prometteur non seulement pour la production des cultures
vivrières indispensables pour l'alimentation de nos populations
mais également pour assurer l'augmentation des capacités
d'exportation. Le café, le cacao et le coton notamment sont
à considérer à ce titre. A peine 12% des terres
cultivables sont aujourd'hui exploités au Togo. Il revient
aux corps constitués, grâce aux moyens conséquents
que le gouvernement mettra à leur disposition d'exploiter
au mieux ces potentialités dans l'intérêt de
notre pays.
Aujourd'hui notre pays a de lourds déficits en matière
de routes, de pistes rurales, d'équipements sociaux tels
que les écoles et les dispensaires. Le génie militaire
devra être utile dans ce domaine.
Par rapport à ces interventions socio-économiques
des forces armées, je voudrais apporter une précision.
Ce n'est pas parce qu'une armée intervient dans le secteur
du développement qu'elle peut ou doit négliger sa
mission primordiale, celle de la protection des citoyens. Tout est
question d'organisation et de priorité. Dans le contexte
de la construction africains, il appartient à chaque Etat
de se déterminer en tenant compte de ses potentialités.
L'armée et le changement
Aucun militaire, aucun gendarme, aucun policier ne doit croire ou
penser que la démocratie se fait contre lui. Dans l'état
où se trouve notre pays, nous ne pouvons nous en sortir qu'en
donnant la chance à chaque compatriote de s'exprimer librement,
de jouir des avantages qu'offre un Etat de droit. Et parce que la
démocratie n'est pas contre l'armée, celle-ci doit
contribuer à son avènement. Notre peuple a trop souffert.
Il souffre encore. Cette situation n'épargne aucune famille,
aucune ethnie. Ce qui est indéniable, c'est que le changement
améliorera les conditions de tous les Togolais.
Ceux qui sèment la division et la discorde entre nos compatriotes,
ceux qui opposent l'armée au reste du peuple le font parce
" qu'ils n'ont aucune légitimité. Ils n'ont pas
le soutien du peuple. Dans la vie comme à la guerre, c'est
à l'issue d'une épreuve qu'on connaît le plus
fort. En démocratie, ce sont les élections transparentes
qui départager les protagonistes. Ces exclusions ne doivent
exclure personne. Depuis toujours, nous sommes disposés à
ce genre de consultation ; ce qui est le contraire de nos adversaires.
Je voudrais compter sur la compréhension de l'ensemble de
notre peuple et particulièrement celle des hommes en arme,
devant la situation que traverse notre pays. "Le moment est
grave", ont écrit nos Evêques. Il nous appartient
tous de sortir la Nation du gouffre: militaire comme civil.
Gilchrist Olympio
Président de l'Union des Forces de Changement
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