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Ouagadougou,
7 Janvier 2003: "Je ne suis pas un politicien, je suis
un militaire, ma parole m'engage". Objectivement, rien n'empêchait
le général Gnassingbé Eyadéma de respecter
cette profession de foi, faite en juillet 1999 à la faveur
d'un voyage du président français Jacques Chirac à
Lomé, pour tenter de remettre sur les rails le processus démocratique
togolais.
En effet, cette déclaration du général-président
faisait partie d'un "contrat de confiance" pour permettre
au Togo de sortir de la tourmente politique et sociale dans laquelle
il est plongé depuis le début des années 90.
Mais, l'optimisme n'aura été que de courte durée.
Le colosse de Lomé et ses partisans ont une fois encore prouvé
à l'opinion togolaise et internationale que ces promesses n'engagent
que ceux qui y croient.
En décidant d'exécuter en fin décembre dernier,
le charcutage programmé de la Constitution, le nouveau parlement
offre sur un plateau d'or au "timonier national ", un
cadeau de nouvel an auquel il ne renoncerait pour rien au monde.
Son appétit du pouvoir est si connu de ses fidèles
serviteurs, que ceux-ci n'imaginent rien d'autre qui puisse lui
plaire en cette fin de règne. Ainsi, le Rassemblement du
peuple togolais (RPT), parti méga-majoritaire au pouvoir,
sème-t-il dans son pays des germes qui ne sont pas loin de
ceux qui rongent la Côte d'Ivoire et au chevet de laquelle
son président-fondateur s'est malencontreusement retrouvé
comme médiateur. Accident de parcours ou simple coincidence
?
Comme nous l'avons relevé dans nos précédentes
éditions, ce qui peut être aujourd'hui considéré
comme un volte-face du général-président ne
constitue en réalité que la confirmation des faits
dont nous avons déjà fait état. Le "cas"
togolais n'est certainement pas isolé dans la faune politique
francophone en Afrique. Il traduit simplement à quel point,
on a trop souvent raison de prendre avec des pincettes, la profession
de foi de certains chefs d'Etat qui n'ont malheureusement cure de
la misère qu'ils imposent à leur peuple. Autrement,
comment justifier l'envie insatiable du pouvoir de cet homme qui
trône sans partage depuis près de quatre décennies
sur ce minuscule territoire de 56.600 Km2 ?
L'ex-sergent-chef de l'armée coloniale française devenu
président à trente ans (officiellement) à la
faveur du premier coup d'Etat militaire en 1963 est aussi passé
maître dans l'art des coups fourrés politiques. Appuyé
par une armée de 12.000 hommes dont l'écrasante majorité
est originaire de son village natal, il a imposé à
son peuple, une semelle de fer qui ne donne que trois possibilités
à ses opposants : l'exil, la prison ou la collaboration.
Une situation que ne donne apparemment aucune chance à l'alternance
dans ce pays qui était jadis considéré comme
la "Suisse de l'Afrique". Pire, la dernière
modification de la Constitution, qui confère une présidence
à vie au Général, exclue également de
la course son principal challenger, le fils du premier président
assassiné Gilchrist Olympio, en exil depuis 1963. En effet,
le nouveau Code électoral stipule que pour se présenter
à l'élection présidentielle prévue pour
cette année, "le candidat devra résider au Togo
au moins douze mois avant le scrutin". Un scénario qui
rappelle curieusement celui de la Côte d'Ivoire, où,
pour barrer la route à un leader politique, on a préféré
tailler la Loi fondamentale sur mesure.
Et comme on devrait s'y attendre, une telle politique d'exclusion
ne peut qu'engendrer des frustrations qui conduisent irrémédiablement
vers des situations que l'on déplore depuis plus de quatre
mois chez nos voisins ivoiriens. Déjà, Gilchrist Olympio
ne passe pas par quatre chemins pour ameuter ses partisans et par
ricochet l'opinion internationale. "Il faut qu'Eyadéma
quitte le pouvoir, quels que soient les moyens", a-t-il
en substance martelé de son exil. Une réaction que
justifie certes son ras-le-bol, mais dont les conséquences
sont toujours imprévisibles. Surtout pour un peuple togolais
qui est, en dernier ressort, la principale victime de ce slalom
politique. En plus des nombreuses souffrances dues aux tueries de
la Lagune de Bè en 1993, ce peuple est abandonné à
son triste sort depuis que les pompiers occidentaux ont sevré
le pays de leur manne financière. Une sanction qui a, en
réalité, contribué à renforcer le pouvoir
du manitou et faire descendre le petit peuple dans l'enfer de la
déchéance sociale et morale. Sur le plan économique
notamment, le taux de croissance est passé de 2,9% en 1999
à 2,8% en 2001. Les fonctionnaires accusent plusieurs mois
d'arriérés de salaires et les services sociaux que
sont l'éducation et la santé sont devenus aujourd'hui
un luxe réservé à ceux qui peuvent encore payer.
En bref, en une décennie de gâchis politique, les populations
de ce pays béni par la nature mais trahi par certains de
ses fils ont été catapultées dans une misère
sans précédent.
Eu égard à cette situation et surtout aux nouveaux
ingrédients qui augurent d'un lendemain qui déchante,
on est en droit de s'inquiéter sérieusement de la
tournure que prennent les événements au Togo. Quoi
qu'on dise, le principal problème dans ce pays est essentiellement
d'ordre politique. Par conséquent, le processus de réhabilitation
démocratique qui constitue la pomme de discorde entre le
pouvoir et l'opposition, ne peut ignorer l'Union européenne
et la France. Or, si la première s'est jusque-là contentée
de sanctions économiques sans impact positif sur le processus,
la seconde aura tort de ne pas se démarquer clairement des
ambitions suicidaires du chef de l'Etat togolais. Mieux, le syndicat
des chefs d'Etat, Jacques Chirac en tête, doit user de son
devoir d'ingérence pour arrêter cet autre massacre
qui pourrait se déclencher dans ce pays. A moins que la France
ne choisisse une fois encore la logique du médecin après
la mort, pour laquelle elle s'est terriblement illustrée
au Rwanda et depuis septembre, en Cote d'Ivoire. Et ce serait vraiment
dommage. Car au moment où les pays anglophones, dont particulièrement
le Ghana hier et le Kenya aujourd'hui, donnent la preuve que la
démocratie n'est pas un luxe pour l'Afrique, il est inadmissible
que l'on laisse mourrir l'espoir des Togolais ...
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Le Pays
(Ouagadougou)
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En décidant
d'exécuter en fin décembre dernier, le charcutage
programmé de la Constitution, le nouveau parlement offre
sur un plateau d'or au "timonier national ", un cadeau
de nouvel an auquel il ne renoncerait pour rien au monde. |
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Le
"cas" togolais n'est certainement pas isolé
dans la faune politique francophone en Afrique. Il traduit simplement
à quel point, on a trop souvent raison de prendre avec
des pincettes, la profession de foi de certains chefs d'Etat
qui n'ont malheureusement cure de la misère qu'ils imposent
à leur peuple.. |
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