Paris, 15 février 2003: Le général
Eyadema est arrivé ce samedi vers 16 heures à Paris
devançant de quatre jours son invitation officielle au Sommet
franco-africain de Paris du 19 au 21 février 2003. Il est
accompagné d'au moins deux de ses fils et d'une demi - dizaine
de ministres. Officiellement, on ne parle cependant que de deux
ministres. Au Togo, le départ du général Eyadema
pour la France a été gardé secret probablement
pour prendre de vitesse les diverses manifestations de protestation
contre sa venue dans la capitale française. La peur d'affronter
la presse et la mobilisation de la diaspora togolaise n'est cependant
pas la seule raison dans ce voyage sur la pointe des pieds.
Invité à la réunion de Paris à laquelle
sont attendus une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement
d'Afrique, Eyadema devra au mieux s'attendre à affronter
des journalistes sur la question incommodante de " sa parole
de militaire " donnée en 1999 " de terminer
son dernier mandat en juin 2003 " et à une diaspora
togolaise de plus en plus mobilisée et décidée
à le marquer au talon, " partout où il y ira
". Au pire des cas, il devrait s'attendre à ce qui
pourrait ressembler à un désaveu poli sur la modification
de la Constitution togolaise en décembre 2002 et du Code
électoral togolais en Janvier 2003.
Il est pourtant difficile de croire que la France ne dispose pas
du dispositif policier nécessaire pour protéger contre
les protestations de l'opinion en Europe un " hôte
encombrant " que le Président Chirac priait un envoyé
spécial à Lomé en septembre dernier "
de ne pas agacer " (sic).
Rappelons qu'après la modification " à la
hussarde " de la Constitution togolaise, le ministre français
des affaires étrangères, Dominique de Villepin, ne
parvint que six jours plus tard à sortir de son mutisme sur
la question et déclarait en janvier 2003 à un journaliste
de radio, " que des décisions devraient être
prises ", une attitude attentiste qui cache mal un malaise
manifeste. Et pourtant, Eyadema s'était engagé à
ne pas modifier les institutions togolaises et de ne pas briguer
un autre mandat après 36 ans de règne sans partage
au Togo.
Dès lors, il apparaît comme conséquent au regard
des diverses réactions officielles et officieuses par rapport
à ce retour à la case de départ que le "
Président à vie de l'an 2003" - à
moins qu'il soit politiquement totalement sénile - s'aperçoit
chaque jour davantage que ses ambitions sont d'une autre époque
et qu'il commence par devenir encombrant même pour certains
de ses amis politiques en Hexagone, qui, rappelons le, étaient
restés " bouches bées " devant ses
idées de génie. Car en l'état actuel des textes
de la République, le Togo évolue vers une monarchie
excluant toute forme d'opposition et de possibilité d'alternance
politique.
Dans cette logique, l'arrivé prématurée d'Eyadema
à Paris pour une campagne de séduction en prélude
du Sommet franco-africain de Paris afin de prévenir toute
surprise. Assistera t-on au traditionnel pour but de se faire de
nouveau à la confirmation du " soutien indéfectible
de la France " à un Eyadema présenté
comme jadis Mobutu comme " le seul recours et facteur de
stabilité au Togo ?" Rien n'est moins sûr
et Eyadema a lui-même ses doutes. D'où l'empressement
du Général à venir démontrer en France
qu'il est et reste l'homme de la situation. Pour renforcer cette
illusion, il engage les grands moyens financiers: les personnes
de toutes nationalités africaines qui ont été
collectées par bus pour l'accueillir et servir de coulisses
ont touché chacun entre 150 et 200 euros. L'affolement des
organisateurs de cette " mobilisation payée "
montre très bien qu'elles étaient elles-mêmes
sous pression de présenter les résultats attendus.
Alors, les salaires impayés des fonctionnaires et employés,
les bourses d'étudiants au Togo peuvent attendre.
Cette visite a au moins le mérite de mettre le Président
Chirac au pied du mur sur le dossier togolais par rapport à
sa caution morale donnée en 1999 pour le départ d'Eyadema
du pouvoir en 2003. Wait and see.
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