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Paris,
Juin 2003: Une opinion qui ne sait plus à quel saint
se vouer le dit et le rappelle : le général Gnassingbé
Eyadéma avait promis à son ami le président français
Jacques Chirac qu’il ne se présenterait pas à
l’élection présidentielle de 2003. Ce qui était
la moindre des choses quand on sait que la Constitution togolaise
laborieusement mise en place au début des années quatre-vingt-dix
– une des rares avancées obtenues par l’opposition
en quête de démocratie – limite à deux
mandats consécutifs l’exercice de la magistrature suprême.
Mais une fois cette “promesse” faite, et comme un train
sur sa lancée naturelle, c’est sans le moindre état
d’âme que le pouvoir, avec un Parlement dévoué
à sa cause, a procédé, fin décembre
2002, à une manipulation aussi sidérante que grotesque
de la Constitution autorisant le chef de l’Etat – en
l’occurrence Gnassingbé Eyadéma – à
se représenter indéfiniment. Ici plus qu’ailleurs,
les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.
Et pour parfaire le tableau d’un régime embarqué
dans sa logique infernale et autiste, on insère dans cette
Loi fondamentale modifiée les textes permettant d’exclure
précisément l’adversaire le plus sérieux
du “timonier” de Lomé, l’opposant historique,
Gilchrist Olympio. Ce qui fut fait, comme de bien entendu.
Dans ce contexte, les Togolais relèvent, entre autres, la
“tiédeur” de la réaction de la France.
Pas un soupçon de condamnation ou d’indignation face
aux manœuvres pyromanes d’un Eyadéma que l’on
sait très lié à l’actuel locataire de
l’Elysée. On sait aussi la teneur de l’histoire
“commune” entre ce régime et tous ceux qui en
France se sont succédé depuis l’ère du
général de Gaulle. La responsabilité de Jacques
Foccart, le Monsieur Afrique de Charles de Gaulle, dans l’assassinat
du premier président du Togo, Silvanus Olympio, père
de Gilchrist, n’est plus un secret. Mais cela suffit-il à
expliquer que les pouvoirs français aient toujours fait montre
d’une indulgence particulière à l’égard
de l’ancien sergent franco-togolais revenu d’Indochine
et promu président du Togo par l’ancien colonisateur
? Une indulgence qui a amené à cautionner le pire
parfois, notamment durant les années qui ont suivi la Conférence
nationale de 1991. Nul n’ignore que le Togo est sous la coupe
d’un régime parmi les plus dangereux du continent.
Pour bien moins que cela, Paris a brandi contre des régimes,
sous d’autres cieux, le bréviaire des grands principes
ou les menaces de sanctions. Parallèlement, l’ostracisme
des autorités françaises à l’égard
de l’opposant Gilchrist Olympio est patent, et son exclusion
de l’élection présidentielle togolaise de juin
2003 n’a pas semblé émouvoir outre mesure Paris.
D’ailleurs le général Eyadéma affirme
à l’envi qu’il a “le soutien total”
de son “ami Jacques Chirac”...
Si nous évoquons ici la responsabilité de la France
et le poids de son silence dans la crise togolaise, c’est
qu’il faut reconnaître sans fausse naïveté
son influence, disons “centrale”, dans les affaires
togolaises. Et aussi la force d’un lien qu’elle se refuse
à rompre avec Eyadéma, une survivance de la guerre
froide et de l’époque où les présidents
africains étaient “choisis” parmi les indigènes
dont le profil permettait d’en faire les gardiens dociles
de l’ordre néocolonial. Avec le temps, ces présidents
de la 25e heure de l’“indépendance”, non
programmés pour servir leur peuple, ont fini par avoir destin
lié avec leur créateur, l’ancienne puissance
coloniale. Une tragédie… Ainsi, comme le résume
un responsable politique d’un pays de la sous-région,
“après la mort d’Houphouët-Boigny en Côte-d’Ivoire,
Eyadéma est devenu la pierre angulaire de l’idée
que la France se fait de sa manière de pérenniser
son influence dans la région”. Alors, combien de temps
encore la France continuera-t-elle de regarder l’Afrique dans
un rétroviseur, comme elle l’a fait, d’une certaine
manière, en Côte-d’Ivoire, jusqu’à
l’explosion que l’on sait ? A l’heure où
la France défend sur la scène internationale, face
aux Etats-Unis, un ordre juste et équilibré du monde,
ces questions se posent encore plus fortement.
Nombre d’observateurs le signalent : tant que certains préjugés
anciens constitueront le prisme au travers duquel se conçoit
une politique française vis-à-vis de l’Afrique,
la France sera ressentie par les peuples d’Afrique comme un
agresseur. Un gâchis, somme toute, eu égard à
la proximité née d’une histoire partagée,
et que la définition d’un espace de sincère
partenariat, exempt de préjugés et de calculs à
courte vue, aurait pu transformer en une force commune pour les
deux parties.
par Francis LALOUPO |
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Afrique-Asie
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Dans ce contexte,
les Togolais relèvent, entre autres, la “tiédeur”
de la réaction de la France. Pas un soupçon de
condamnation ou d’indignation face aux manœuvres
pyromanes d’un Eyadéma que l’on sait très
lié à l’actuel locataire de l’Elysée. |
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Alors,
combien de temps encore la France continuera-t-elle de regarder
l’Afrique dans un rétroviseur, comme elle l’a
fait, d’une certaine manière, en Côte-d’Ivoire,
jusqu’à l’explosion que l’on sait ?
A l’heure où la France défend sur la scène
internationale, face aux Etats-Unis, un ordre juste et équilibré
du monde, ces questions se posent encore plus fortement. |
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