Lomé, 31 décembre 2002: Le Parlement togolais,
en modifiant lundi la constitution
de 1992, a techniquement ouvert la voie à
une nouvelle candidature en 2003 du président Gnassingbé
Eyadema, doyen des chefs d'Etat africains et au pouvoir depuis bientôt
36 ans,
L'une des modifications majeure concerne l'article 59 sur l'élection
à la présidence de la République.
Le chef de l'Etat - élu en 1998 pour un mandat de cinq ans
- est désormais "rééligible", sans
plus de précision, alors que l'ancien article 59 prévoyait
que le mandat présidentiel était "renouvelable
une seule fois", et stipulait qu'"en aucun cas, nul ne
peut exercer plus de deux mandats".
Après le coup d'Etat qui a renversé le président
Nicolas Grunitzky, le 13 jan 1967, Gnassingbé Eyadéma,
alors chef d'état-major, était devenu officiellement
chef de l'Etat en avril suivant. Depuis l'adoption de la constitution
de 1992, il a été élu consécutivement
à deux reprises, en 1993 et en 1998 lors de scrutins contestés
au point que l'UE et la plupart des partenaires au développement
du Togo ont suspendu leur coopération.
En plusieurs occasions, le président Eyadema a affirmé
sa volonté de se retirer en 2003, comme le prévoyait
jusque là la Constitution ancienne formule.
Pour mettre fin à dix ans de tensions politiques, le pouvoir
et l'opposition avaient conclu un accord, en juillet 1999, baptisé
"Accord Cadre de Lomé" (ACL) qui prévoyait
notamment des législatives anticipées et le retrait
du président Eyadéma en 2003.
Mais depuis des mois, des proches du pouvoir s'appliquent à
prédire un scenario catastrophe: si l'"après-Eyadéma"
n'est pas bien préparé, on peut craindre le pire.
Une façon de plaider, voire de préparer l'opinion,
pour un maintien du président, au moins pour quelques temps.
"Les institutions politiques doivent s'adapter au temps et
non rester des textes conflictuels (...) Au nom du peuple togolais,
l'Assemblée nationale étudiera et adoptera une nouvelle
loi électorale, afin que les futures consultations ne soient
plus l'objet de marchandage et de chantage", avait déclaré
le 11 décembre le président du parlement, Fambaré
Natchaba, un très proche du président.
"Le temps est enfin venu de trouver une issue constitutionnelle
aux problèmes qui minent notre société",
avait-il plaidé.
Reportées par deux fois, chaque camp accusant l'autre d'être
responsable du blocage, les législatives ont finalement eu
lieu le 27 octobre dernier, mais sans les partis d'opposition dits
"traditionnels" qui ont boudé le scrutin.
La consultation a sans surprise consacré la suprématie
du parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple Togolais, fondé
par le président Eyadéma: le RPT a obtenu 72 des 81
sièges contre 78 dans l'assemblée sortante.
L'Assemblée nationale (Parlement monocaméral) a également
modifié le mode de scrutin pour la présidentielle
(article 60), qui aura désormais lieu au "scrutin uninominal
majoritaire à un tour" contre deux tours auparavant.
L'âge minimal pour être candidat a également
été abaissé de 45 ans à 35 ans révolus
(article 62).
Au total, 34 dispositions de la Constitution ont été
modifiées par l'ensemble des 80 députés présents.
Autre modification de taille, le Parlement devient bi-caméral
avec la création d'un Sénat.
Les dispositions concernant la composition de la Cour constitutionnelle
et le choix de son président ont été également
profondément remaniées.
Les membres de la Cour passent de sept à neuf, dont trois
nommés par le chef de l'Etat contre un seul dans l'ancien
article 100.
Son président, autrefois "élu par ses pairs"
(ancien article 101), est désormais "nommé par
le Président de la République parmi les membres de
la Cour", et la durée de son mandat passe de "trois
ans renouvelables" à "sept ans renouvelables".
Cette Constitution remaniée institue également un
"médiateur de la République chargé de
régler les conflits non juridictionnels entre les citoyens
et l'administration".
"C'est une autorité administrative indépendante
nommée par décret pris en conseil des ministres pour
un mandat de six ans non renouvelable", précise la Constitution.
|