Paris,
30 mai 2003: Gilchrist Olympio, fils du premier président
togolais, Sylvanus Olympio, et principal opposant à l'actuel
président Gnassingbé Eyadéma, a été
exclu du scrutin de dimanche. Installé en France, il a été
évincé par la commission électorale pour défaut
de résidence togolaise et de déclaration fiscale.
Libération: Vous vous êtes rendu à
Lomé, fin avril, pour la première fois depuis 1999
pour déposer, sans succès, votre candidature à
la présidentielle. Comment avez-vous trouvé votre
pays ?
Gilchrist Olympio: Il est très délabré.
L'Union européenne a suspendu sa coopération depuis
plus de dix ans. Les salaires ne sont plus versés, les universités
et les écoles ne fonctionnent plus. Les jeunes, très
remontés, disent qu'Eyadéma hypothèque leur
avenir, ils n'ont pas de travail. Cette fois, ils ne vont pas se
laisser faire.
Libération: Certains craignent que la situation
dégénère comme en Côte-d'Ivoire. Là-bas,
on accuse l'opposant Alassane Ouattara de ne pas être ivoirien,
mais burkinabé. A Lomé, certains vous disent ghanéen...
Gilchrist Olympio: Le clivage entre le Nord et
le Sud au Togo n'est pas aussi tranché qu'en Côte-d'Ivoire.
En fait, je dirais que l'opposition au président Eyadéma
est quasi générale aujourd'hui. Même l'armée
n'est plus sûre : le régime a récemment arrêté
plusieurs officiers originaires du même village que le chef
de l'Etat. Il est vrai que c'est Eyadéma qui décrète
qui est togolais et qui ne l'est pas. J'ai pris un passeport ghanéen,
c'était la nationalité de ma mère, car je suis
privé de papiers d'identité togolais.
Libération: Comment interprétez-vous
l'attitude de Paris, qui s'est contenté d'appeler à
des «élections transparentes», alors qu'Eyadéma
s'était engagé à ne pas se représenter
?
Gilchrist Olympio: C'est un ami personnel du président
Chirac. Je me souviens de la visite du chef de l'Etat à Lomé
en 1999, il avait refusé de me rencontrer. A l'heure actuelle,
je n'ai aucun contact avec le Quai d'Orsay. Pourtant, c'est l'attitude
de Paris qui permettra d'éviter une possible effusion de
sang au Togo.
Libération: On dit que vous appelez à
la désobéissance civile.
Gilchrist Olympio: On a mal interprété
mes propos. Nous avons plusieurs flèches dans notre carquois.
Chaque chose en son temps : c'est devant le fleuve qu'on décide
comment le traverser.
Par Thomas HOFNUNG (Libération,
30.05.2003)
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