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Abidjan, 11 Avril 2003: Les quelques progrès enregistrés
au niveau de la démocratie ne peuvent faire oublier les foyers
incandescents, prêts à faire régner le désordre
sur le continent noir. Le conflit ivoiro-ivoirien empoisonne déjà
suffisamment la sous-région ouest-africaine pour ignorer
ces poudrières. Togo, Guinée Zimbabwe, c'est vers
ces pays administrés à la baguette que doivent se
tourner les regards de la communauté internationale, désormais.
En effet, de Lomé à Harare en passant par Conakry,
le déficit de démocratie, les élections tronquées
et truquées, les violences politiques et les violations des
droits de l'Homme sont monnaie courante. La mise en bière
du pluralisme et de la démocratie tout court, sur fond de
divisionnisme ethnique et d'un nationalisme étriqué
ne laisse rien présager de bon.
Au Togo, le régime du président Gnassingbé
Eyadema joue sur une opposition Nord-Sud. L'armée, la police
sont aux mains des Kabye, ethnie dont est issu le chef de l'Etat
togolais. Cette situation a créé des frustrations
au sein des populations du Sud acquises majoritairement à
l'opposant Gilchrist Olympio. Les ingrédients sociologiques
sont donc réunis pour un affrontement fratricide. Cette même
obstruction du jeu démocratique alimente aujourd'hui la guerre
en Côte d'Ivoire.
Le rejet de candidature de leaders politiques de poids sur fond
d'ivoirité, de xénophobie a plongé le pays
dans des violences en 2000. Il y eut des massacres ethniques (le
charnier de Yopougon). La crise politico-militaire débutée
le 19 septembre apparaît comme la suite logique des foyers
de haine et d'exclusion allumés successivement par les présidents
Bédié, Guéi et Gbagbo.
Exclu du jeu politique togolais, Gilchrist Olympio qui vit en exil,
risque de subir le syndrome Ouattara. La Constitution togolaise
remaniée en décembre semble être taillée
pour contrer des opposants comme Olympio, Yawovi Agboyibor ... Le
Parlement togolais, en modifiant la Constitution de 1992, a techniquement
ouvert la voie à une nouvelle candidature du Président
Gnassingbé Eyadéma au pouvoir depuis 36 ans. L'une
des modifications majeure concerne l'article 59 sur l'élection
à la présidence de la République. Elu en 1998
pour un mandat de cinq ans, il est désormais "rééligible"
sans plus de précision, alors que l'ancien article 59 prévoyait
que le mandat présidentiel était "renouvelable
une seule fois", et stipulait qu' "en aucun cas, nul ne
peut exercer plus de deux mandats". Malgré les pressions
de l'opposition togolaise et de la communauté internationale,
les réflexes de la "présidence à vie",
ont pris le dessus.
Dans la Constitution remaniée, la clause de résidence
de douze mois imposée à tout candidat à la
présidence de la République vise les opposants en
exil. Une chape de plomb qui les empêche de participer pleinement
à la vie politique. Après le coup d'Etat qui a renversé
le président Nicolas Grunitzky, le 13 janvier 1967, Gnassingbé
Eyadéma, alors chef d'Etat-major, était devenu chef
d'Etat en avril suivant. Depuis l'adoption de la Constitution de
1992, il a été élu consécutivement à
deux reprises, en 1993 et en 1998 lors de scrutins contestés
au point que l'Union Européenne et la plupart des partenaires
au développement du Togo ont suspendu leur coopération.
Un mauvais présage au moment où la prochaine présidentielle
s'avère capitale pour la stabilité prévue le
1er juin.
Guinée : Alors que la majorité de ses homologues
d'Afrique de l'Ouest cherche à offrir des gages de respect
de la démocratie, Lansana Conté s'est taillé,
sans y mettre les formes, un Costume de Président à
vie. Dix-neuf ans après le coup d'Etat qui le porta au pouvoir,
le chef de l'Etat guinéen est décidé à
ne pas raccrocher. Vainqueur contesté des deux premières
élections pluralistes, de 1993 et 1998, il devait, en principe,
se retirer, conformément à la Constitution qu'il a
lui-même fait voter en 1992, sur pression de l'opposition
et des bailleurs de fonds. Malgré les protestations unanimes
de l'opposition, il a réalisé un véritable
coup d'Etat constitutionnel en supprimant la limitation à
deux mandats présidentiels et en rallongeant la durée
de cinq à sept ans. Malgré les rumeurs sur son Etat
de santé, la succession de Lansana Conté reste un
casse-tête chinois.
Malade, souffrant du diabète, il se refuse à lâcher
le pouvoir qui apparaît aux yeux de l'opinion comme un pouvoir
sans tête. Hospitalisé fin décembre 2002 au
Maroc, une autre version avait fait état de complications
de problèmes rénaux et de prostate. Mais le mystère
autour de la maladie du président guinéen et sa succession
polluent davantage l'environnement politique où les militaires
sont trop présents. Les populations vivent sous la hantise
d'un coup d'Etat militaire qui remettrait à plat la vie politique
pour une transition de deux ou trois ans à l'issue de laquelle
des élections générales seraient organisées.
En clair, un scénario à la Centrafricaine. Nombre
de politiques soutiennent cette éventualité dont l'expérience
dans d'autres Etats africains s'est révélée
catastrophique. Le risque du putsch fatal est donc réel et
les formations politiques de l'opposition en embuscade attendent,
prêtes à sauter sur le trône de Conté.
Réunies au sein du Front Républicain pour l'alternance
(FRAD), elles n'étaient pas parvenues en décembre
dernier à dégager une plate-forme de lutte commune.
Tout comme le Parti Démocratique Guinéen au pouvoir,
trop de dissensions la minent. Ni l'UPR de Siradiou Diallo ni le
RPG d'Alpha Condé ni encore l'UFD de l'ancien président
de l'Assemblée nationale Biro Diallo n'ont réussi
à accorder leurs violons sur l'attitude à adopter
en cas de vacance du pouvoir et en cas de consultations populaires.
Bien qu'il y ait un mécanisme prévu par la Constitution
dans ce cas, les risques d'une implosion sont énormes. On
s'attend à un désordre politique qui pourrait déboucher
sur un chaos social. A côté de ce mauvais coton. L'opposition
Peulh-Soussou (l'ethnie du président) menace la cohésion
sociale.
Zimbabwé : le désastre démocratique
Ici c'est un autre enfer. La Démocratie? Le leader du MDC
sait ce que cela signifié pour le président Robert
Mugabe. Récemment, le parti de Morgan Tsvangirai a lancé
un ultimatum au régime en place, exigeant la satisfaction
jusqu'au 31 mars dernier, d'une liste de 18 demandes parmi lesquelles
la fin des violences politiques par l'Etat et la restauration d'un
Etat de Droit. La réponse de Mugabe a été cinglante.
"Le MDC et ses dirigeants seront prévenus : Ceux
qui jouent avec le feu ne seront pas seulement brûlés,
mais seront carbonisés par ce feu".
La violence fait son chemin de même que les violations des
droits humains. Amnesty international juge la situation "explosive"
au moment où un procès pour "haute trahison"
frappe le leader du MDC. Accusé d'avoir comploté en
vue d'assassiner Robert Mugabe, le chef de l'opposition semble regretter
d'avoir refuser des négociations avec Mugabé qui lui
ont été proposées à moult reprises.
Il est probable que le Nigeria et l'Afrique du Sud reprennent leurs
tentatives de médiation. Des tentatives abandonnées
en 2002, le MDC ayant refusé de retirer sa plainte en justice
contre le gouvernement, pour la fraude électorale qui a marqué
; en mars 2002, la réélection de Robert Mugabe. Toutefois,
la main de fer du régime risque de ne laisser aucun espace
à la discussion. Ce bras de fer entre Mugabe et son opposition
a lieu sur fond de contestation de la réforme agraire du
gouvernement visant à redistribuer aux noires, 80 % des terres
appartenant aux Blancs. Les iniquités nées de cette
réforme, la manipulation et la récupération
politiciennes qui ont été faites ont exacerbé
au sein des populations le sentiment nationaliste -où la
violence le dispute à la misère tant matérielle
que morale.
La crise alimentaire n'est pas encore résorbée. Le
pays isolé sur le plan international est détesté
du cartel britannique. Il faudra donc beaucoup d'autres "Bush"
pour déboulonner tous ces petits roitelets qui chantent la
démocratie sur les ondes de télé et de radio.
Et qui, dans la pratique, se révèlent de grands fossoyeurs
de libertés.
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Le Patriote
(Par Assoumane Bamba, Abidjan)
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Le rejet de candidature
de leaders politiques de poids sur fond d'ivoirité, de
xénophobie a plongé le pays dans des violences
en 2000 ... |
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Dans
la Constitution (togolaise, ndlr) remaniée, la clause
de résidence de douze mois imposée à tout
candidat à la présidence de la République
vise les opposants en exil. Une chape de plomb qui les empêche
de participer pleinement à la vie politique ... |
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