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Dakar,
2 Mai 2003: Ce qui n'était jusque-là qu'un
secret de polichinelle a été finalement étalé
au grand jour. Gnassingbé Eyadéma n'aura pas ainsi
résisté à la " pression " de ses
partisans, en fait à son envie de se présenter à
l'élection présidentielle du 1er juin prochain. La
décision ne surprend pas. Le verrou limitant le nombre de
mandat à deux ayant été sauté. Pas plus
que le moment choisi pour le faire savoir. Investi par son parti
- le Rassemblement du peuple togolais (Rpt) - le vendredi 25 avril
dernier, Gnassingbé Eyadéma a gardé le silence
jusqu'au jour de la célébration de la fête du
Travail pour se prononcer. Le geste est plein de symbole.
En effet, comme à la veille de la Saint-Sylvestre où,
dans une énorme cachoterie, les députés togolais,
à une écrasante majorité totalement acquise
au général-président, réunis nuitamment,
ont convenu d'apporter des modifications à la Constitution
et au Code électoral pour permettre à Gnassingbé
Eyadéma de se présenter, le nombre de fois qu'il voudra,
à une élection présidentielle, cette fois-ci
encore, la symbolique est respectée. Et, à chaque
fois, c'est à la veille d'un événement important
- nouvel an pour le premier et fête du Travail pour le second
- que la classe dirigeante togolaise se signale avec un cadeau dont
se seraient volontiers passées les populations qui ont besoin
d'autres choses que de cette tragi-comédie que Gnassingbé
Eyadéma et ses affidés se plaisent à chaque
fois de leur offrir. Puisqu'en plus d'une candidature illimitée
du président togolais, taillée sur mesure, les autorités
de Lomé durcissent volontairement les lois de la République
pour écarter celui par qui tous les Togolais pensent que
l'alternance pourrait arriver : Gilchrist Olympio, leader de l'Union
des forces du changement (UFC). C'est à croire qu'au Togo,
les autorités ne vivent que par et pour les symboles mais
qu'ils se donnent le droit d'utiliser de travers.
Car, si traditionnellement les veilles de nouvel an sont mises à
profit pour unir les populations, calmer les esprits et apaiser
les ardeurs, au Togo, on en a profité, avec l'annonce des
nouvelles dispositions constitutionnelles et électorales,
pour attiser le feu, exacerber les tensions et assombrir davantage
l'avenir déjà compromis dans ce petit pays de l'Afrique
de l'Ouest, coincé entre le Bénin et le Ghana et vivant
depuis 36 ans sous occupation militaire caractérisée
par la violence, les arrestations des leaders de l'opposition et
les assassinats politiques. La presse est muselée, la société
civile sous contrôle. L'économie brinquebalante, la
pauvreté quasi endémique. A l'occasion de cette fête
du 1er mai, Gnassingbé Eyadéma aurait fait le meilleur
cadeau à son peuple, aux travailleurs en particulier dont
la plupart accumulent plusieurs mois d'arriérés de
salaire, en prenant sa retraite politique. Comme il l'avait promis
en juillet 1999 devant le président français, Jacques
Chirac, qui était en visite officielle à Lomé.
Mais, en lieu et place de sa parole de soldat, de sa parole d'homme
tout court, Gnassingbé Eyadéma a, une fois de plus,
réconforté tous ceux qui, dans leurs analyses, n'ont
jamais cru à celui qui se signale sur le continent, comme
le chef de l'Etat le plus ancien en fonction dans un pays qui a
inauguré le cycle des coups d'Etat en Afrique avec à
la clé l'assassinat, en 1963, quelques temps seulement après
la création de l'OUA, du père-fondateur de la Nation
togolaise: Sylvanius Olympio.
On aurait rien trouvé à dire sur la candidature du
président togolais à sa propre succession si plusieurs
facteurs ne militaient pas contre lui. Car, en tant que Togolais
et normalement en règle avec le fisc - une nouvelle disposition
introduite dans le Code électoral - rien ne doit s'opposer
à la candidature du général-président
pour briguer un troisième mandat de cinq ans à la
tête de son pays. Ses partisans le considèrent comme
la " force tranquille " du pays, le symbole de
la " stabilité " et de la " paix
". Pris comme tel, le Togo en oublierait ses problèmes
et retrouverait la plénitude du bonheur en conduisant son
destin pour les années à venir avec Gnassingbé
Eyadéma. Si on y ajoute les divisions de l'opposition dont
l'incapacité à se mettre d'accord sur une candidature
unique a fait voler en éclats la Coalition des forces démocratiques
(Cfd) et conduit à un départ en rangs dispersés
à ses joutes électorales, on serait fondé de
donner foi à cette position des partisans de Eyadéma
pour justifier leur choix. Mais, quand on pense que Gnassingbé
Eyadéma ne dirige son pays que d'une main de fer depuis 36
ans, quand on sait que le Togo ne doit sa relative stabilité
qu'à la politique du bâton que les militaires imposent
aux populations avec comme corollaire dans les meilleurs des cas
des arrestations et dans le pire des cas les assassinats, surtout
quand on sait que des lois de la République ont été
sciemment modifiées pour donner une autre chance à
Gnassingbé Eyadéma, on ne peut que craindre cette
énième candidature du général-président.
Elle risque de basculer le Togo dans une violence dont personne
n'a intérêt. Gnassingbé Eyadéma en premier
lieu. En tant que principal médiateur dans la crise ivoirienne,
Gnassingbé Eyadéma est bien placé pour mesurer
l'impact qu'un conflit politique pourrait engendrer. Dans une interview
parue dans " Le Soleil " du 18 avril dernier, le président
togolais disait : " Je ne cesse d'appeler tous les acteurs
politiques, au Togo comme dans les autres pays du continent, à
éviter les conflits inutiles parce que meurtriers Nos pays
sont encore très fragiles et nous ne pouvons pas nous permettre
de créer des conditions qui accentuent cette fragilité
" Gnassingbé Eyadéma aurait été
bien inspiré de se lancer, personnellement, cet appel. Puisqu'en
annonçant sa candidature et surtout en créant les
conditions pour éliminer Gilchrist Olympio avec l'adoption
des lois scélérates, Gnassingbé Eyadéma
va à l'encontre de cette idée qu'il avance. Il expose
son pays à une guerre civile qui en ajoute à la série
de crises qui ensanglantent le continent africain en général,
l'Afrique de l'Ouest en particulier.
Si nul ne peut présager de ce que sera l'avenir au Togo,
après cette élection présidentielle, au regard
toutefois des ingrédients ainsi réunis qui ressemblent,
à s'y méprendre, au cocktail qui a fait sauter la
poudrière ivoirienne, la candidature de Gnassingbé
Eyadéma installe les prémisses d'une guerre civile
au Togo dont le général-président ne peut pas
ne pas en endosser la responsabilité. Qu'il en sorte victorieux
ou non.
Oumar Kouressy
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Sud Quotidien (Dakar)
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En effet, comme à
la veille de la Saint-Sylvestre où, dans une énorme
cachoterie, les députés togolais, à une
écrasante majorité totalement acquise au général-président,
réunis nuitamment, ont convenu d'apporter des modifications
à la Constitution et au Code électoral pour permettre
à Gnassingbé Eyadéma de se présenter,
le nombre de fois qu'il voudra, à une élection
présidentielle, cette fois-ci encore, la symbolique est
respectée. |
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Et,
à chaque fois, c'est à la veille d'un événement
important - nouvel an pour le premier et fête du Travail
pour le second - que la classe dirigeante togolaise se signale
avec un cadeau dont se seraient volontiers passées les
populations qui ont besoin d'autres choses que de cette tragi-comédie
que Gnassingbé Eyadéma et ses affidés se
plaisent à chaque fois de leur offrir. Puisqu'en plus
d'une candidature illimitée du président togolais,
taillée sur mesure, les autorités de Lomé
durcissent volontairement les lois de la République pour
écarter celui par qui tous les Togolais pensent que l'alternance
pourrait arriver : Gilchrist Olympio, leader de l'Union des
forces du changement (UFC). C'est à croire qu'au Togo,
les autorités ne vivent que par et pour les symboles
mais qu'ils se donnent le droit d'utiliser de travers. |
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