Paris, 6 juin
2003
L’élection présidentielle qui s’est tenue
au Togo le 1er juin 2003 a donné lieu, comme beaucoup d’observateurs
indépendants le craignaient, à des heurts entre partisans
de l’opposition et forces de sécurité qui ont
procédé à des arrestations et ont réprimé
par la force des manifestations de mécontentement dans plusieurs
endroits du pays. Au cours du dernier mois, les forces de sécurité
ont ainsi arrêté plus d’une quarantaine de personnes
dont des militaires soupçonnés d’avoir voté
pour des candidats de l’opposition ou d’avoir incité
d’autres personnes à le faire. Une personne a été
tuée dans le dos de manière extrajudiciaire par un
représentant des forces de l’ordre alors qu’elle
tentait de fuir à moto et une autre personne a été
grièvement blessée.
Dans tout le pays, les forces de sécurité patrouillent,
notamment à Lomé et dans certains cas, de simples
passants, dont certains étaient soupçonnés
d’être proches de l’opposition, ont été
pris à partie dans la rue par des membres de sécurité
qui les ont passés à tabac. Les autorités ont
également fait pression sur certains journalistes afin qu’ils
ne diffusent que les résultats publiés par la Commission
électorale nationale indépendante (CENI) 1
. Celle-ci a, le 4 juin 2003, officiellement déclaré
vainqueur du scrutin, le président sortant, Gnassingbé
Eyadéma, au pouvoir depuis 1967. Deux jours auparavant, deux
candidats de l’opposition, Emmanuel Bob Akitani et Maurice
Dahuku Péré, représentant respectivement l’Union
des forces du changement (UFC) et le Pacte socialiste pour le renouveau
(PSR) s’étaient proclamés vainqueurs du scrutin.
L’UFC a annoncé qu’il formerait dans les tout
prochains jours un « gouvernement de reconstruction nationale
». Un autre candidat, Edem Kodjo, président de la Convergence
patriotique panafricaine (CPP) a, quant à lui, réclamé,
le 3 juin 2003, une «sorte de ‘Marcoussis’»
pour le Togo, faisant référence aux accords signés
à Paris en janvier 2003 afin de régler la crise ivoirienne.
La situation au Togo s’était considérablement
tendue depuis quelques mois au fur et à mesure que l’on
s’approchait de l’élection présidentielle
de juin 2003. Le 25 avril 2003, Amnesty International avait publié
un document intitulé : Togo : Silence, on vote, dans lequel
l’organisation exprimait ses craintes face à l’escalade
de la répression de toute voix dissidente par les autorités2
. Les événements actuels confirment malheureusement
ces craintes. Amnesty International appelle toutes les parties en
présence au Togo à la retenue afin que les droits
humains ne soient pas violés. Elle exhorte notamment les
forces de sécurité togolaises à éviter
tout recours excessif de la force afin que cette élection
présidentielle ne débouche pas, comme les scrutins
précédents de 1993 et 1998, sur une crise majeure
des droits humains. Amnesty International craint notamment qu’une
escalade de la violence n’entraîne de nouveaux flux
de réfugiés fuyant le Togo vers les pays limitrophes.
Usage excessif de la force entraînant
des exécutions extrajudiciaires
Le déroulement du scrutin présidentiel du 1er juin
2003 a suscité le mécontentement au sein de certaines
couches de la population proches de candidats d’opposition.
Des manifestations et des incidents ont eu lieu notamment lorsque
des personnes s’apprêtant à aller voter ont constaté
des cas de bourrage d’urnes ou quand elles ont réalisé
qu’elles n’avaient pas reçu leur carte d’électeur.
Ce mécontentement a parfois pris des formes violentes entraînant
des heurts avec les forces de sécurité.
Le jour de l’élection présidentielle, le 1er
juin 2003, à Djagblé (dans la grande banlieue de Lomé),
deux militants de l’UFC dont M. Egbla Kossi Messan, auraient
surpris à son domicile le chef de cette localité en
train de bourrer les urnes. Ils auraient protesté et le responsable
local aurait alors appelé les forces de sécurité.
Celles-ci sont arrivées sur les lieux vers 11 heures du matin
alors que les deux hommes partaient à moto. Elles leur ont
tiré dessus dans le dos, tuant M. Egbla et blessant grièvement
par balles l’autre militant qui conduisait la moto et qui
a réussi à s’enfuir. Amnesty International ne
peut révéler pour le moment l’identité
de cette personne qui se trouverait entre la vie et la mort. M.
Egbla, secouriste âgé de trente deux ans, est mort
à l’hôpital des suites de ses blessures le même
jour vers 22 heures.
Depuis le jour du scrutin, le 1er juin 2003, les forces de sécurité,
qui patrouillent jour et nuit à travers le pays ont, à
plusieurs reprises, eu recours à un usage excessif de la
force pour contrer des manifestations de mécontentement populaires.
Le jour de l’élection, à Tsévié,
une ville à une trentaine de kilomètres au nord de
Lomé, des troubles qui ont dégénéré
en échauffourées avec les forces de l’ordre
ont éclaté lorsque la population a constaté,
selon les témoignages, de graves irrégularités
électorales, notamment des bourrages d’urnes dans certains
bureaux de vote. La population a également protesté
contre le fait que de nombreux habitants n’avaient pas reçu
leur carte d’électeur. Des pneus ont été
brûlés, la mairie de Tsévié a été
saccagée et vers 11 heures du matin, les opérations
électorales ont dû être interrompues dans la
plupart des bureaux de vote de la ville. Les gendarmes ont alors
tiré sur la foule en utilisant d’abord des gaz lacrymogènes
puis des balles réelles. Le Ministre togolais de l’Intérieur,
Akila Esso Boko a confirmé que des confrontations avaient
eu lieu à Tsévié, les qualifiant « d’incidents
mineurs ». Amnesty International a, pour sa part, reçu
des informations concordantes indiquant qu’un civil au moins
avait été tué et d’autres blessés.
Un jeune élève de CM2 (dernière classe de l’école
élémentaire), Akama Kokou a ainsi été
tué par balles dans le quartier de Wémé. Il
est mort à l’hôpital des suites de ses blessures.
Un autre élève de 4ème, Mawuki Adonyo, aurait
également été blessé par balles dans
le quartier Tsiapé. Un témoin a indiqué avoir
vu un blessé qui saignait à la tête être
transporté à l’hôpital. Le calme serait
revenu durant l’après-midi mais les forces de sécurité
dont des commandos paramilitaires, surnommés « bérets
rouges » auraient alors investi la ville et auraient patrouillé
toute la nuit3 .
Des troubles auraient également eu lieu ce même jour
dans d’autres villages des alentours, notamment à Gbatopé
où plusieurs civils auraient été blessés
par balles. Dans certains villages, la population s’en est
prise de façon violente à des chefs locaux qui n’ont
eu la vie sauve que grâce à l’intervention des
forces de sécurité.
Au lendemain du scrutin, des militants locaux de partis d’opposition,
soupçonnés d’être à l’origine
des manifestations de protestation à Tsévié,
ont fait l’objet de recherches et ont été contraints
de fuir. D’autres auraient été arrêtés
dans le quartier de Ndalyi, y compris un jeune homme, arrêté
chez lui le mardi 3 juin 2003 à 2 heures du matin par des
soldats. Ce même jour, les forces de l’ordre circulant
dans la ville, auraient arrêté un « Zémidjan
» (nom donné aux conducteurs de taxis-motos) et l’auraient
passé à tabac.
Heurts entre partisans de l’opposition
et forces de sécurité dans plusieurs quartiers de
la capitale
Amnesty International a reçu de nombreux témoignages
de heurts qui ont opposé des militants de l’opposition
et des membres des forces de l’ordre dans différents
quartiers de Lomé, notamment à Bè, connu pour
être un fief traditionnel de l’opposition. Le 3 juin
2003, tôt le matin, des jeunes militants de l’UFC se
sont rassemblés à Bé pour clamer la victoire
de leur candidat, Emmanuel Bob Akitani. Ils ont dressé des
barricades sur différents boulevards et ont brûlé
des pneus. Les forces de l’ordre sont rapidement intervenues
en utilisant des gaz lacrymogènes pour disperser les jeunes
qui ont répondu en lançant des pierres. Les forces
de sécurité les ont alors pourchassés jusque
dans les maisons des habitants du quartier. A cette occasion, des
passants auraient été pris à partie et battus
à coups de « cordelettes »4 . Comme cela a été
le cas à Tsévié, un témoin a vu un conducteur
de taxi-moto se faire battre jusqu’au sang par des militaires.
Dans le quartier de Nyékonakpoé, des passants ont
été interpellés, arrêtés et passés
à tabac. Une vieille femme qui parlait à un groupe
de jeunes et leur demandait de se tenir tranquilles, a été
accusée par des militaires de monter ces jeunes contre eux.
Ils l’ont battue avec des cordelettes et des bâtons.
Dans le quartier de Tokoin Ouest, les militaires s’en sont
pris à plusieurs personnes qui se trouvaient dans une «
buvette » (un bar), les frappant avec des «cordelettes».
Arrestations et risque de torture
Arrestations de civils
Des militants de partis de l’opposition ont été
arrêtés dans les jours qui ont précédé
et suivi le scrutin du 1er juin 2003. Un responsable local du Pacte
socialiste pour le renouveau (PSR), M. Agaté a été
arrêté à Sokodé (au centre du pays) le
30 mai 2003 et il demeure à ce jour encore détenu
à Kara. Cet homme a été arrêté
vers 19 heures devant son domicile alors qu’il rentrait chez
lui après avoir participé à une réunion
de campagne de son parti, récemment créé par
M. Dahuku Péré. Un témoin oculaire de cette
arrestation a raconté :
« Arrivé au niveau du portail de sa maison, des gendarmes
ont intercepté M. Agaté et ils lui ont demandé
de les suivre. Il a refusé. Un véhicule des FAT est
alors arrivé. Il a résisté encore et le chef
des gendarmes a ordonné à ses hommes de tirer. La
femme de M. Agaté est intervenue et a calmé le jeu.
Elle a demandé à son mari de les suivre. Ils ont pris
la route du nord. »
Des informations parvenues à Amnesty International indiquent
que M. Agaté a été emmené au camp Landja
de Kara où sa femme l’a aperçu. Cependant, elle
n’a pas été autorisée à le voir
et depuis lors, la famille est sans nouvelles de lui. Aucune raison
n’a officiellement été donnée à
son arrestation et Amnesty International craint qu’il ne soit
soumis à des tortures comme cela est le cas de manière
courante dans ce camp militaire.5
Le 3 juin 2003, à Lomé, deux des principaux dirigeants
de l’Union des forces de changement, (UFC), Jean-Pierre Fabre
et Patrick Lawson ont été brièvement interpellés.
Les deux hommes ont été arrêtés vers
10 heures du matin alors qu’ils venaient de quitter le domicile
de M. Fabre pour se rendre à une réunion de concertation
de leur parti. Patrick Lawson a raconté à Amnesty
International :
« Notre voiture a été arrêtée
par trois véhicules de la police nationale. Ils nous ont
emmenés à la Sûreté nationale et nous
ont interrogés notamment sur les casses des stations d’essence
[qui avaient eu lieu début mai lorsque la candidature du
président de l’UFC, Gilchrist Olympio, avait été
rejetée par la Cour constitutionnelle]. Ils nous ont dit
que des jeunes nous avaient accusés d’être les
instigateurs de ces casses et ils m’ont particulièrement
mis en cause. La police m’a proposé une confrontation
avec eux, j’ai accepté et les jeunes se sont alors
rétractés. La police nous a aussi accusé de
complicité dans les troubles qui avaient eu lieu quelques
heures plus tôt à Bè. Ils nous ont interrogés
et gardés jusqu’à 21 heures ».
Les deux responsables de l’UFC ont été conduits
vers 23 heures ce même jour auprès du procureur de
la république puis d’un juge d’instruction qui
les a inculpés de « troubles à l’ordre
public ». Puis les deux hommes ont été libérés
vers minuit. Leur garde et leur chauffeur, arrêtés
en même temps qu’eux, ont aussi été libérés
mais sans être inculpés.
Ces incidents ne constituent que les arrestations les plus récentes
d’une longue liste de militants de partis d’opposition
harcelés depuis le début de l’année.
Par exemple, Jude Aleke Prudence, chargé de l’organisation
au sein de la Nouvelle dynamique populaire (NDP), un mouvement créé
en janvier 2003 et regroupant des jeunes militants de plusieurs
partis d’opposition, a été arrêté
le 7 mai 2003 à son domicile situé à Atikoumé,
un quartier de Lomé. Il est, depuis lors, détenu à
la Sûreté nationale sans avoir été inculpé.
Il ne semble même pas avoir été interrogé
et son arrestation apparaît comme une tentative des autorités
d’intimider et de désorganiser ce nouveau mouvement
de jeunes militants. Ce même jour, les forces de sécurité
ont fait des descentes aux domiciles d’autres dirigeants de
ce mouvement qui ne se trouvaient pas chez eux à ce moment-là.
Jude Aléké Prudence peut recevoir des visites de sa
femme mais il n’a pu avoir de contact avec son avocat malgré
de multiples démarches en ce sens et aucune procédure
judiciaire n’a été engagée à son
encontre.
Deux partis d’opposition, l’UFC et le PSR ont fait
état d’intimidations de leurs membres dans les semaines
qui ont précédé le scrutin. Le 6 mai 2003,
M. Tagba, professeur de collège à Kara (dans le nord
du pays) et coordinateur régional du PSR, le parti dirigé
par M. Péré, aurait été arrêté
sur son lieu de travail et conduit au camp de gendarmerie de la
ville. On lui aurait reproché de préparer la campagne
du candidat de son parti dans cette région du pays. Il aurait
été relâché sans inculpation quelques
heures plus tard.
Le 10 mai 2003, les forces de sécurité ont fait irruption
au domicile d’un militant de l’UFC qui organisait chez
lui une réunion hebdomadaire des membres de son parti. Trente-quatre
personnes ont été arrêtées et conduites
à la gendarmerie de Lomé. Elles ont toutes été
libérées le lendemain sans inculpation. Un incident
similaire avait eu lieu le 18 mars 2003 lorsqu’une trentaine
de personnes avaient été arrêtées par
les forces de sécurité alors qu’elles participaient
à une réunion hebdomadaire de la fédération
UFC du 2ème arrondissement de la ville de Lomé.
Arrestations de militaires et d’autres
membres des forces de sécurité
Amnesty International a appris l’arrestation d’au moins
une dizaine de membres des forces de sécurité accusés
d’avoir voté pour l’opposition ou d’être
en faveur d’un des candidats opposés au président
Eyadéma. Ainsi, M. Douti, commissaire de police à
Tabligbo (nord ouest de Lomé), a été arrêté
à son domicile par les forces de l’ordre, venues de
Lomé le 29 mai 2003. Le jour même, il aurait voté
pour le parti d’opposition, le Comité d’action
pour le renouveau (CAR), dirigé par Yawovi Agboyibo, l’un
des candidats de l’opposition. Il aurait fait ce choix contrairement
aux ordres de son supérieur hiérarchique qui, devant
l’isoloir, lui aurait intimé l’ordre de voter
pour le président sortant. Selon les informations parvenues
à Amnesty International, M. Douti serait toujours détenu
sans inculpation.
Le 10 mai 2003, le capitaine Adjinon Kossi Lambert, en poste au
collège militaire de Tchitchao (près de Kara) a été
arrêté et conduit au camp Landja à Kara puis
au Centre des travaux de renseignements de Lomé. Des journaux
togolais ont indiqué que ce capitaine aurait été
arrêté en raison de ses liens supposés avec
l'ancien Chef d'état Major de l'Armée de Terre, le
Colonel Kouma Biténiwé, soupçonné d’avoir
des sympathies pour le candidat Dahuku Péré. Ce colonel
aurait fui le pays début mai 2003, à la suite d’une
altercation avec des membres des forces de l’ordre. Dans une
lettre publiée le 30 mai 2003, le colonel Biténiwé
a demandé «à tous les militaires de se tenir
prêts à agir dans le bon sens après les élections
du 1er juin ». Amnesty International craint que ce genre d’appel
ne débouche sur des troubles entraînant des atteintes
aux droits humains.
En avril 2003, à Lomé, un militaire retraité,
ancien membre de la garde présidentielle dont Amnesty International
ne révèle pas l’identité pour des raisons
de sécurité, a été arrêté
par les forces de l’ordre alors qu’il se rendait sur
son lieu de travail. Cet ancien militaire a été détenu
durant trois semaines sans connaître les raisons de son arrestation.
Celle-ci pourrait être liée au fait qu’il avait
rendu visite deux semaines auparavant au colonel Biténiwé.
Intimidations des media
Dans son document, Togo : Silence, on vote, publié en avril
2003, Amnesty International a fait état de près d’une
trentaine de cas d’attaques contre les média, qu’il
s’agisse de pressions ou d’intimidations exercées
contre des journalistes, de la saisie de journaux ou de la fermeture
de radios.
Les autorités ont continué à faire pression
sur la presse pour qu’elle ne publie pas des informations
jugées hostiles au gouvernement. Dans les jours qui ont précédé
le scrutin et le jour de l’élection, au moins deux
responsables de media dont Abbass Saibou, directeur de l’hebdomadaire
Le Regard, ont fait l’objet de pressions leur enjoignant de
ne publier que les résultats officiels de l’élection
et de ne pas commenter la tenue des élections.
Le soir du scrutin du 1er juin 2003, le ministre de la Communication,
Pitang Tchalla et le président de la Haute Autorité
de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), Combévi
Agbodjan, ont, au cours d’une émission retransmise
par la télévision nationale, appelé tous les
média à ne publier aucune autre estimation ou résultat
que ceux publiés par la CENI. Ce même message qui constitue
une atteinte flagrante au droit à la liberté d’expression
a été répété à maintes
reprises à de nombreux journalistes togolais lors de réunions
convoquées par les autorités en charge de la communication.
Il est intéressant de noter toutefois qu’un journal
proche du gouvernement a pu, sans rencontrer de problèmes,
rendre publiques des estimations basées sur des « sondages
» qui annonçaient une large victoire du président
sortant6.
Par ailleurs, les autorités togolaises ont refusé
d’accréditer un journaliste de Radio France Internationale
(RFI) sans motif valable. RFI a donc fait le choix, tout en le regrettant,
de n’envoyer personne pour suivre la campagne et l’élection7.
De plus, Amnesty International a appris que les autorités
auraient informé le propriétaire d’un cyber-café
que l’accès à Internet serait coupé durant
les jours qui suivraient l’élection. Il faut rappeler
que depuis des mois, les autorités togolaises ont censuré
certains sites Internet en empêchant leur accès depuis
le Togo. Cette mesure semble avoir été prise à
partir de septembre 2002 lorsque le site d’information letogolais.com
a publié un entretien avec l’ancien premier ministre,
Agbéyomé Kodjo, aujourd’hui en exil, qui critiquait
le fonctionnement du pouvoir politique au Togo. A la même
époque, les autorités ont également empêché
l’accès depuis le Togo à d’autres sites
dont celui de l’UFC.[ufctogo.com]
Réfugiés, déplacement
L’escalade de la violence que connaît le Togo depuis
quelques semaines a conduit un nombre inconnu de personnes vivant
notamment Lomé à fuir pour se réfugier au Ghana,
pays qui se trouve à quelques kilomètres de la capitale
togolaise. Des informations parvenues à Amnesty International
font état de familles qui ont envoyé leurs enfants
au Ghana afin de les mettre en sécurité. Le Haut Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a envoyé
une mission d’évaluation à la frontière
du Ghana afin d’évaluer le nombre de réfugiés
togolais.
Conclusion
Comme lors des deux précédents scrutins présidentiels
de 1993 et 1998, le Togo fait face à une crise politique
majeure où les résultats officiellement annoncés
sont remis en cause par plusieurs partis d’opposition qui
crient à la fraude et appellent leurs partisans à
se mobiliser contre ce qu’ils considèrent comme un
pouvoir qui veut pérenniser à jamais son assise sur
le pays. Dès lors, tous les dérapages sont possibles
avec un cercle infernal des réactions parfois violentes des
partisans de l’opposition et une répression dure de
la part des forces de sécurité.
La population togolaise a payé au prix fort les querelles
politiques qui déchirent le Togo depuis l’introduction
du multipartisme en 1991. Violences policières, intimidations
des militaires, exécutions extrajudiciaires, « disparitions
» et arrestations arbitraires suivies de torture, rien n’a
été épargné aux personnes qui ont osé
s’opposer au pouvoir du président Eyadéma. Le
risque est grand – et il a été annoncé
depuis des mois - au pire d’un chaos qui plongerait le pays
dans un cycle de violences, au mieux d’une résignation
d’une grande partie de la population qui continuerait à
vivre difficilement en raison notamment de l’arrêt de
l’aide économique de l’Union européenne,
décidé en raison des violations des droits humains
commises par les forces de sécurité.
AMNESTY INTERNATIONAL
AI Index: AFR 57/005/2003
[1] Les membres de la CENI ont été désignés
par la Cour constitutionnelle, à la suite d’une décision
prise de manière unilatérale par le Premier Ministre
togolais d’alors, Agbeyomé Messan Kodjo.
[2] Voir le document d’Amnesty International : Togo : Silence,
on vote, publié le 25 avril 2003, Index AI : AFR 57/003/2003.
[3] Ces « bérets rouges » dépendent directement
d’Ernest Gnassingbé, l’un des fils du président
Eyadéma.
[4] Ce terme désigne au Togo une sorte de ceinture en corde
dotée d’un bout en fer que portent certains membres
des forces de sécurité autour de la taille.
[5] Voir notamment les documents d’Amnesty International,
Togo : Etat de terreur, AFR 57/001/1999, publié le 5 mai
1999 et Togo : Silence on vote, AFR 57/003/2003, publié le
25 avril 2003.
[6] Une information publiée sur le site du gouvernement togolais,
www.republicoftogo.com, le 30 mai 2003 (soit deux jours avant la
tenue du scrutin) mentionnait un article du journal Le Miroir du
Peuple qui faisait état de « pronostics à partir
des échantillons de militants de chacun des partis en compétition
». Ce sondage donnait le président sortant vainqueur
avec 61,25% devant le candidat de l’UFC, Emmanuel Bob Akitani
avec 22,18%.
[7] L’Union européenne n’a pas envoyé
d’observateurs à ce scrutin car le Togo n’a pas
autorisé l’UE de mener une mission exploratoire, préalable
nécessaire à l’envoi d’une mission d’observation.
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